Chapitre 2: Les conditions de forme

Section 1: Le consensualisme

Le contrat est en principe valable par le simple échange des consentements. Aucune condition de forme n’est imposée pour la validité d’un contrat.
Le projet d’ordonnance en France de 2015 énonçait clairement le principe du consensualisme : « Le contrat est parfait par le seul échange des consentements des parties ». Mais le droit garde une spécificité pour certains contrats au regard de la portée importante de leurs engagements.

1§. Les actes solennels

Les contrats solennels exigent une expression de consentement qui respecte certaines formalités pour être valables, généralement par le biais de la rédaction d’un document, qu’il s’agisse d’un acte authentique ou d’un simple écrit. Ainsi, un simple échange de consentement ne constitue pas une condition suffisante dans ce cas. L’exigence d’un formalisme n’est pas liée à la standardisation des contrats, qui issue de la pratique des affaires.
Le législateur spécifie pour certains contrats soit qu’ils respectent un formalisme devant un officier public ou entre les parties.

A. L’acte authentique

L’acte authentique est un acte passé devant un notaire ou un officier public, c’est-à-dire un adoul, ou un huissier de justice.

Article 418 du DOC: L’acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises par des officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé.

Article 419 du DOC: L’acte authentique fait pleine foi, même à l’égard des tiers et jusqu’à l’inscription de faux, des faits et des conventions attestées par l’officier public qui l’a rédigé comme passé en sa présence. Cependant, lorsque l’acte est attaqué pour cause de violence, de fraude, de dol et de simulation ou d’erreur matérielle, la preuve peut en être faite par témoins, et même à l’aide de présomptions graves, précises et concordantes, sans recourir à l’inscription de faux. Cette preuve peut être faite tant par les parties que par les tiers ayant un intérêt légitime.

Article 420 du DOC: L’acte authentique fait foi des conventions et des clauses intervenues entre les parties, des causes qui ont été énoncées et des autres faits ayant un rapport direct avec la substance de l’acte.

L’acte authentique est difficile à contester, la seule voie de recours principal est l’inscription en faux. Cour de Cassation marocaine 21 septembre 2010,3820, 2880/1/7/2009, Revue : Revue marocaine des études juridiques et judiciaires المجلة المغربية للدراسات القانونية والقضائية | N° : 5. Dans cette espèce, le demandeur conteste la véracité du pv de constat d’huissier, les juges ont réaffirmé l’impossibilité de soulever cet argument. La seule contestation ouverte est l’inscription en faux.

Pareil, Le procès-verbal de description d’une saisie réalisée dans le cadre de la loi 17-97 relative à la propriété industrielle est considéré comme un document officiel et ne peut être contesté par des moyens fallacieux. CA de Commerce de Marrakech 27 janvier 2009,n°122, 1202/10/08

Par contre, les atteintes comme le dol, la violence, l’erreur peuvent se faire par tous moyens de preuve. Seulement les parties concernées pourront soulever ces moyens.

Par ailleurs, des actes non spécificités par le législateur peuvent être faits devant un officier public.

  • Typologie des actes authentiques :
  • La donation faite devant notaire
  • Les PV de constats d’huissier de justice
  • La reconnaissance de dette
  • Les actes de notariat adoulaire; de statut personnel, (actes de mariage, de divorce, d’émancipation)
  • La vente immobilière
  • L’inscription au registre de la conservation foncière
  • Les actes reçus officiellement par les juges devant les tribunaux
  • Les actes reçus officiellement par les juges devant les tribunaux
  • Les décisions rendues par les juges étrangers quant aux faits constatés avant l’exequatur
  • Les actes des analphabètes devant un officier public.
  • Les actes et écritures faits devant un officier public en présence d’un analphabète

Cour d’appel de Casablanca, 20 mars 2018 – N° 4664/8232/2014; 51 2018
La preuve de la situation d’analphabétisme incombe à celui qui s’en prévaut. La CA de Casablanca a refusé d’annuler le contrat de cession, car la personne n’avait pas apporté la preuve de sa situation d’analphabète. Bien au contraire, les juges du fond ont estimé que cette personne, avait un niveau d’instruction suffisant (la troisième année collège) et qu’elle avait le statut de gérant de société, dès lors elle est présumée ne pas être analphabète. Les juges retiennent une conception très stricte afin d’éviter qu’une partie soulève facilement cet argument pour annuler un engagement.

B. A contrario, les actes sous seing privé

Ces actes reposent uniquement sur l’exigence d’un simple écrit signé de la main des parties.
L’exigence d’un acte sous seing privé ou d’un autre écrit ordinaire s’est largement développée au XX e siècle. L’adage, « les paroles s’envolent, les écrits restent » prend tout son sens.

Article 424 du DOC : L’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu pour reconnu, fait la même foi que l’acte authentique, envers toutes personnes, des dispositions et énonciations qu’il renferme (..).

Il n’est pas nécessaire de respecter un formalisme particulier. La Cour de cassation française a même statué qu’il n’existe aucun principe ni aucune disposition légale interdisant l’utilisation d’un crayon à papier lors de la rédaction d’un document. Com. 8 oct. 1996, no 94-17.967

Selon l’article 424 du DOC, l’acte sous seing privé a la même force probante qu’un document officiel, et son contenu peut être invoqué contre son auteur. L’authentification de la signature sur un acte sous seing privé par les autorités compétentes n’est pas une condition de sa validité tant que le signataire ne conteste pas sa signature. Une cour qui refuse de reconnaître une dette au motif qu’elle n’est pas légalisée par les autorités compétentes, sans soulever cette question préalablement, viole les dispositions des articles 426 et 431 du DOC et expose sa décision à un recours en cassation. Cour de cassation marocaine, 21 février 2001,n°760, 3956/1/2/95.

Dans une décision de la Cour de cassation marocaine du 4 janvier 2001,n°09 100/2/1/2005, les juges ont soulevé que l’acte sous seing privé est considéré comme un moyen de preuve tant que sa signature n’est pas contestée, et il vaut comme une reconnaissance de l’engagement en vertu de l’article 431 du DOC.

La sanction en cas d’absence de formalité

La sanction de l’absence du formalisme imposé par la loi varie :

  • la loi prévoit parfois que le contrat écrit ou la mention particulière est prévu à peine de nullité;
  • la loi peut prévoir une sanction particulière. Par exemple, lorsqu’un contrat de crédit mobilier ne porte pas les mentions obligatoires, la sanction est la déchéance de plein droit du droit aux intérêts.

La distinction entre l’acte authentique et sous seing privé : l’acte authentique dispose d’une force considérable, puisqu’il vaut titre exécutoire, avec une date certaine pour les tiers. A contrario, l’acte sous seing privé, fait foi entre les parties, pour les tiers, la date n’aura d’effets que sous certaines conditions ; si l’acte a été déposé ultérieurement chez le notaire, visé par un magistrat ou un officier public.

2§. Les contrats réels

Les contrats réels sont ceux qui, pour être valablement formés exigent, en plus de l’échange des consentements, la remise d’une chose.

Par exemple: le prêt, le dépôt et le gage sont traditionnellement considérés comme des contrats réels.
Ce qui veut dire, que tant que la chose n’a pas été remise, le contrat n’est pas formé. Ainsi dans le contrat de prêt, si le préteur garde la chose, alors le contrat formé devient une simple promesse de prêt.
Les dispositions suivantes consacrent les contrats réels dans le DOC, en décrivant à chaque fois, les éléments qui doivent être remis.

Article 478 du DOC: La vente est un contrat par lequel l’une des parties transmet la propriété d’une chose ou d’un droit à l’autre contractant contre un prix que ce dernier s’oblige à̀ lui payer.
Article 781 du DOC: Le dépôt est un contrat par lequel une personne remet une chose mobilière à une autre personne, qui se charge de garder la chose déposée et de la restituer dans son individualité.
Article 782 du DOC: Lorsqu’on remet à quelqu’un des choses fongibles, des titres au porteur ou des actions industrielles à titre de dépôt, mais en autorisant le dépositaire à en faire usage, à charge de restituer une quantité égale de choses de mêmes espèce et qualité, le contrat qui se forme est régi par les règles relatives au prêt de consommation.

3§. Les autres exigences de forme: la preuve et la publicité

Quant à la preuve d’un acte:
La preuve d’un acte est fonction de sa caractéristique : acte solennel ou consensuel
Pour l’acte sous seing privé, la signature a un effet à l’égard des parties, par contre à l’égard des tiers il y a une liste limitative des actes sous seing privé pouvant être revendiqués par les tiers.
Ainsi l’article 789 du DOC exige que le dépôt doit être constaté par écrit lorsqu’il a une valeur excédant 20 000 francs; cette règle ne s’applique pas au dépôt nécessaire ; le dépôt nécessaire est celui qui a été́ forcé.
Quant à la publicité:

Certains actes doivent faire l’objet d’une publicité, pour rendre l’acte opposable aux tiers. Par exemple, l’article 1104 du DOC: Lorsque la transaction comprend la constitution, le transfert, ou la modification de droits sur les immeubles ou autres objets susceptibles d’hypothèques, elle doit être faite par écrit, et elle n’a d’effet au regard des tiers, que si elle est enregistrée en la même forme que la vente.

La loi exige parfois que le contrat, une fois formé, soit publié, c’est notamment le cas de vente immobilière.  Si ces formalités n’ont pas été respectées, l’opération juridique demeure valable mais est inopposable aux tiers.

Section 2 : La sanction des conditions de formation du contrat

Un contrat qui ne présente pas les conditions imposées par la loi pour sa validité est un contrat irrégulier. L’irrégularité est fréquente parce qu’il n’existe pas de contrôle préventif de la régularité des actes juridiques. La nullité est la sanction des conditions de formation du contrat, elle se distingue en cela d’autres sanctions.

1§ La nullité

A. La distinction entre la nullité et les autres formes.

La nullité sanctionne toujours l’irrespect de l’une des conditions de formation du contrat, que ce soit une condition objective ou une condition subjective. La nullité entraine la disparition rétroactive des effets du contrat irrégulier.
Tout se passe comme si le contrat n’avait jamais existé. La nullité se distingue des autres sanctions comme la résolution, l’inopposabilité ou la caducité.
Le législateur prévoit les sanctions applicables à chaque manquement. Par contre, l’article 306 du DOC prévoit un principe générale, ainsi lorsque l’obligation est nulle de plein droit, elle ne peut produire aucun effet, sauf la répétition de ce qui a été payé indûment en exécution de cette obligation. L’obligation est nulle de plein droit :
1° Lorsqu’elle manque d’une des conditions substantielles de sa formation ;
2° Lorsque la loi en édicte la nullité dans un cas déterminé.
La nullité emporte dans toutes les attentes aux conditions substantielles de la formation du contrat, mais aussi quand le législateur prévoit des dispositions particulières.

1. Les effets similaire de la nullité/ résolution

Article 260 du DOC : Si les parties sont convenues que le contrat sera résolu dans le cas où l’une d’elles n’accomplirait pas ses engagements, la résolution du contrat s’opère de plein droit par le seul fait de l’inexécution.
La clause résolutoire est à̀ différencier de la résolution judiciaire, c’est-à̀-dire celle prononcée par un juge. La résolution se distingue de la nullité dans ses conditions mais pas dans ses effets :
– la résolution intervient en cas d’inexécution du contrat alors que la nullité trouve son origine dans l’irrespect de l’une des conditions de formation du contrat ;
– les effets de la nullité et de la résolution sont les mêmes : le contrat disparaît rétroactivement sauf dans les contrats à exécution successive où la résolution se transforme en résiliation.

2.Nullité et inopposabilité

La nullité et de l’inopposabilité sont très semblables du point de vue des origines mais se distinguent du point de vue des effets :
– l’inopposabilité est une sanction qui porte sur une irrégularité qui n’affecte pas l’exécution du contrat
– l’inopposabilité n’entraîne pas l’anéantissement du contrat à l’égard de tous, l’acte est maintenu entre les parties mais les tiers peuvent l’ignorer, c’est-à-dire le considérer comme non existant.

3. Nullité et caducité

La nullité et la caducité sanctionnent une attente à une condition essentielle de la formation du contrat :
– il y a caducité quand cette condition essentielle existait lors de la formation du contrat mais a disparu par la suite ; a contrario, la cause de nullité existe déjà lors de la formation du contrat ;
– en cas de caducité, le contrat disparait à l’égard de tous mais seulement pour l’avenir (alors que la nullité est rétroactive).

B. La distinction entre nullité absolue et relative

Lorsqu’un élément essentiel de l’acte juridique fait défaut, le contrat est considéré comme nul dès sa formation ;
La nullité est relative lorsqu’elle concerne une atteinte non grave, telle qu’un vice du consentement. A contrario, la nullité est absolue.

La nullité est qualifiée de relative lorsque la règle violée vise à protéger les intérêts particuliers d’une des parties, tels que les vices du consentement, l’absence d’objet, de consentement ou de cause.
En revanche, la nullité est absolue lorsque l’atteinte porte atteinte à l’intérêt général, par exemple en cas d’objet ou de cause illicite ou immorale, de violation d’une règle d’ordre public ou de forme solennelle.
Cette distinction est importante notamment en ce qui concerne l’intérêt à agir.

Procédure et nullité : L’intérêt à agir

Si la nullité est relative, seule la partie protégée peut agir en nullité ; c’est-à-dire le contractant qui a été victime de dol ou de violence.
Si la nullité est absolue, toute personne intéressée et qui a qualité peut invoquer la nullité.
Mais dans la pratique, leur nombre est restreint, ainsi peuvent invoquer la nullité absolue :
– les parties au contrat ou, en cas d’incapacité, les personnes qui les assistent ou les représentent et, en cas de décès, leurs ayants cause universels;
– les ayants cause à titre particulier, lorsque leur situation juridique est affectée par le contrat passé par leur auteur;
– les créanciers chirographaires qui peuvent agir en leur propre nom si le contrat nul leur cause un préjudice;
– les tiers justifiant d’un intérêt légitime à agir ;

3§. Les suites de la nullité

La nullité entraine la disparition rétroactive des effets du contrat irrégulier. Tout se passe comme si le contrat n’avait jamais existé.

A. L’absence de consolidation de l’acte nul

L’acte qui comporte une cause de nullité peut être néanmoins validé en raison d’une confirmation ou de l’écoulement du délai de prescription. La confirmation s’analyse comme une adjonction à l’acte de l’élément qui lui manquait au départ.

B. La confirmation

La confirmation est un acte juridique unilatéral qui émane de la personne qui renonce à̀ invoquer la nullité.
En tant qu’acte juridique, elle obéit à des conditions de validité :
– la confirmation ne peut avoir lieu qu’en connaissance du vice dont le contrat est entaché,
– la confirmation suppose l’intention de réparer le vice,
– l’acte confirmatif doit être exempt de vice.

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Samira Benboubker
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