LA NOTION DE PATRIMOINE
Le patrimoine comprend des droits réels, des droits personnels et des droits intellectuels. Les droits réels sont les droits que l’on a sur une chose corporelle susceptible d’appropriation (Gérard Cornu, vocabulaire juridique PUF 2010).
Il y a une diversité des droits réels: les biens corporels, biens immobiliers, les biens immobiliers par destination, les choses appropriées ou non-appropriées…….
Il faut également distinguer les droits réels principaux et droits réels accessoires: on en revient à la question du démembrement de propriété (cours sur le Trust et la fiducie), pour les droits réels accessoires, il convient de s’intéresser au bien immobilier ou corporel qui sert de garantie ( les surêtes).
Le patrimoine: un attribut de la personnalité morale
Henri Vialleton, civiliste du milieu du XXe siècle, en a donné une image :
“Le patrimoine est un sac que chaque homme porte, sa vie durant, sur son épaule et dans lequel viennent s’enfourner pêle-mêle, tous ses droits, ses créances et ses dettes”.
1ère condition: Seules les personnes ont un patrimoine
Attention: Pas de patrimoine sans porteur du sac, une chose, tel un animal, ne saurait être titulaire de droits et d’obligations, donc avoir un patrimoine. Question peut-on faire une donation ou un leg à son animal ?
2ème condition: Toute personne a nécessairement un patrimoine
L’enfant qui vient de naître a déjà aptitude à acquérir des droits. Cette virtualité est son patrimoine, dont l’existence n’est pas subordonnée à la condition qu’il possède déjà des biens.
3ème condition: L’incessibilité du patrimoine du vivant de son titulaire
Inséparable de la personne, le patrimoine perdure de sa naissance (parfois même, dès sa conception : infans conceptus…) jusqu’à sa mort. Le porteur peut bien aliéner tous les biens contenus dans son sac.
4ème condition: Un seul patrimoine par personne
Parce que celui-ci a la même unité que celle-là, il n’est pas plus divisible qu’elle. Pas plus de sacs que de porteurs.
La théorie des patrimoines d’affectation
Dans la théorie “objective” du patrimoine, c’est une collection de biens, de droits et d’obligations regroupés dans le but de servir un objectif commun, d’où le terme “objectif”. Cela signifie que tous ces éléments ont une destination commune, d’où le terme de “patrimoine d’affectation”.
En conséquence, cette théorie diffère de la théorie subjective, car une personne peut avoir plusieurs patrimoines correspondant à ses différentes activités, chacun ayant ses propres actifs et dettes. De plus, il est possible de transférer des éléments de ce patrimoine à d’autres personnes de son vivant, sans obligation de le conserver toute sa vie.
Cependant, il est important de noter que cette conception n’est pas la norme dans le droit français ou marocain, qui maintiennent la règle de l’unicité du patrimoine par défaut, où une personne n’a qu’un seul patrimoine.
Le droit de propriété est un droit réel principal qui confère à son titulaire, le propriétaire, toutes les prérogatives sur le bien constituant l’objet de son droit.
En droit français, l’article 544 du code civil, dispose « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
La propriété immobilière est le droit de jouir et de disposer d’un immeuble par nature ou par destination de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Le droit de propriété comprend trois éléments distincts : l’usus, le fructus et l’abusus:
L’usus (venant du latin “usage”) donne au propriétaire le droit d’utiliser son bien à sa discrétion, ce qui signifie qu’il peut décider de l’utiliser ou de ne pas l’utiliser.
Le fructus (venant du latin “fruit”) confère au propriétaire le droit de bénéficier des produits générés par son bien, en réalité, il s’agit du droit d’exploiter le bien. L’abusus (venant du latin “utilisation complète”) accorde au propriétaire le droit de disposer de son bien à sa guise, que ce soit pour le conserver, le vendre, le donner, voire même le détruire.
Le droit de propriété est un droit absolu, exclusif et perpétuel. Il est qualifié d’absolu en raison de son caractère complet et illimité. Le propriétaire dispose de prérogatives sans restriction sur son bien, à condition de respecter les lois et les règlements en vigueur.
Le droit de propriété est généralement de nature exclusive, ce qui signifie qu’il est un droit individuel. Sauf dans le cas d’un démembrement particulier, seul le propriétaire détient un monopole sur son bien.
Il est également perpétuel, ce qui implique qu’il n’a pas de durée limitée, contrairement à un droit viager. De plus, il ne disparaît pas en cas de décès du propriétaire, mais se transmet aux héritiers. Par conséquent, le titulaire du droit de propriété peut changer sans affecter la validité du droit lui-même.
Au regard des trois attributs du droit de la propriété, ce dernier constitue le droit réel le plus complet. C’est la raison pour laquelle il est également dit « absolu », c’est-à-dire que les prérogatives que le propriétaire peut exercer sur son bien sont sans limite, dans la mesure où les lois et les règlements sont respectés.
Il y a démembrement de propriété lorsque ces trois attributs ne sont pas réunis dans les mains d’une seule personne, mais partagés entre un nu-propriétaire et un usufruitier.
• Le NU-PROPRIÉTAIRE dispose de l’abusus
• L’ USUFRUITIER dispose à la fois de l’Usus + Fructus
L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance.
Pendant la période de démembrement, il n’y a aucune obligation de prendre en charge les coûts d’entretien et de gestion du bien.
À la fin du démembrement, le propriétaire redevient automatiquement le propriétaire en pleine possession, sans avoir à payer de frais supplémentaires ni à effectuer de démarches complexes.
Pendant la période d’usufruit, le propriétaire conserve le droit de gérer le bien, y compris la possibilité de vendre sa nue-propriété, de la donner ou d’effectuer d’autres transactions, à condition que l’usufruit soit réservé.
De plus, le nu-propriétaire a le droit d’engager des actions en justice si nécessaire pour protéger ses droits.
Les obligations persistantes du nu propriétaire
Le nu-propriétaire ne peut en aucun cas porter atteinte aux droits de l’usufruitier par ses actions.
Le nu-propriétaire est responsable de certaines dépenses liées à l’usufruit, qui ne sont pas prises en charge par l’usufruitier. Cela inclut les dépenses non récurrentes, comme l’impôt sur la fortune, les frais de bornage et de clôture, etc., ainsi que les réparations majeures.
Les grosses réparations comprennent la réparation de gros murs, voûtes, poutres, couvertures complètes, digues et murs de soutènement et de clôture dans leur intégralité. Toutes les autres réparations sont considérées comme des travaux d’entretien et relèvent de la responsabilité de l’usufruitier.
Au regard de l’article 35 du CDR : L’usufruit est un droit réel de jouissance sur un immeuble appartenant à autrui et qui s’éteint nécessairement à la mort de l’usufruitier.
L’article 36 du CDR ajoute que l’usufruit est établi par la loi ou par la volonté de l’homme. L’usufruit peut être établi à terme ou à condition.
L’étendue de l’usufruit est fixée à l’article 37 du CDR : Il peut être établi :
1° sur la propriété immobilière ;
2° sur l’emphytéose pour le temps de sa durée ;
3° sur la superficie ;
4° sur l’antichrèse ;
5° sur les hypothèques ;
6° sur les droits réels énumérés dans l’alinéa 10 de l’article 8 du présent Dahir.
L’usufruit peut exister car la loi le permet , ou au moyen d’un acte juridique. L’usufruit peut être constitué sur un bien immobilier, sur bail emphytéotique, ainsi que sur d’autres droits réels.
Les droits et obligations de l’usufruitier
L’usufrutier a la possibilité de vivre dans le bien, de le louer et garder les loyers ou de l’exploiter lui-même. L’article 38 du CDR donne à l’usufruitier “le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’immeuble dont il a l’usufruit”.
L’article 52 du CDR protège l’usufruitier des manœuvres du propriétaire, en effet, il “ne peut, par son fait ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l’usufruitier“. Par ailleurs, “l‘usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de l’immeuble en fut augmentée”.
Le nu-propriétaire ne disposant pas du bien immeuble, les charges usuelles ne sont pas à sa charge. L’article 59 du CDR considère que “l’usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l’immeuble, telles que les contributions et autres qui, dans l’usage, sont censées charges des fruits”.
La fin de l’usufruit
Article 66 : L’usufruit s’éteint :
1° par la mort de l’usufruitier ;
2° par l’expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
3° par la consolidation ou la réunion sur la même tête des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire ;
4° par la perte totale de l’immeuble sur lequel l’usufruit est établi.
En dehors de ces cas, l’usufruit perdure et ne peut-être retiré. La vente du bien immeuble n’altère en rien la qualité d’usufruitier. ( l’Article 69 : La vente de l’immeuble sujet à usufruit ne fait aucun changement dans le droit de l’usufruitier. Celui-ci continue de jouir de son usufruit s’il n’y a pas formellement renoncé).
Le droit d’usage est similaire à l’usufruit. Le droit d’usage représente un droit réel à caractère temporaire, octroyant à l’usager la permission d’utiliser les biens d’autrui et d’en récolter les produits, limité à ses besoins personnels et à ceux de sa famille. ( Article 78 du CDR: L’usager et celui qui a un droit d’habitation doivent jouir en bon père de famille.)
Le droit d’habitation constitue un droit d’usage spécifique accordé à une résidence et restreint à son bénéficiaire ainsi qu’à sa famille. Il se limite strictement aux besoins liés à l’occupation du logement par le titulaire du droit et sa famille. Il convient de noter que ce droit s’applique uniquement à un bien immobilier utilisé comme résidence, excluant ainsi les locaux destinés à des fins professionnelles ou commerciales.
Selon l’article 76 du CDR, les droits d’usage et d’habitation s’établissent et se perdent de la même manière que l’usufruit. Ceux qui disposent du droit d’habitation et d’usage devront avant d’entrée dans les lieux faire un état des lieux ainsi qu’un inventaire. ( Article 77 du CDR: On ne peut jouir, comme dans le cas de l’usufruit, sans donner préalablement caution et sans faire des états et inventaires).
L’emphytéose est un droit réel sur des biens immobilier. Le contrat qui le constitue doit faire l’objet d’une publicité foncière.
Dans un bail emphytéotique, le locataire acquiert un droit réel pouvant servir de garantie hypothécaire. Ce droit peut être transféré à d’autres personnes ou saisi conformément aux règles de saisie immobilière. L’aspect particulier de l’emphytéose réside dans le fait que, moyennant une redevance très modeste et sans indemnisation du locataire, à la fin du contrat, le bailleur devient propriétaire des améliorations et des constructions réalisées par le locataire pendant la durée du bail.
Article 121 du cdr: Le bail emphytéotique des biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cède et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour une durée supérieure a dix ans et inferieure a quarante ans ; il s’éteint à son expiration.
La propriété à l’anglaise : leasehold ou freehold:
Le bail emphytéotique à l’anglaise, également connu sous le nom de “leasehold”, confère un droit de propriété complet et absolu sur la structure bâtie, mais limité à une durée allant de 21 à 99 ans. Idem en Chine pour une durée de 70 ans Le freehold correspond au bailleur.
Le droit de propriété n’est pas si « absolu » dans la mesure où il doit être exercé de manière raisonnable. et dans le respect des lois et des règlements.
Les limitations viennent lorsque les rapports entre des voisins propriétaires immobiliers. On parle du “Trouble du voisinage”. Tout d’abord, l’abus du droit de propriété constitue une première limite au droit de propriété. À ce titre, le propriétaire ne peut pas détourner son droit de sa finalité ou l’exercer dans le but de nuire à autrui. La jurisprudence considère ainsi que l’installation sur un terrain d’un dispositif ne présentant aucune utilité et n’ayant d’autre but que de nuire à autrui constitue un abus du droit de propriété.
La théorie des troubles de voisinage restreint le droit de propriété en ce sens que le propriétaire ne peut exercer son droit de propriété en excédant les inconvénients « normaux » inhérents au voisinage.
CCass marocaine du 25/09/1985,76900/79
Une maison est occupée par deux locataires; celui qui a un accès à la terrasse a décidé de priver l’autre occupant. Cette privation est-elle constitutive d’un trouble du voisinage ? Pour les juges du fond, le locataire avait qualité pour agir en raison des troubles du voisinage.
Une servitude représente une autorisation accordée à un ou plusieurs voisins pour jouir d’une partie de votre terrain. Il est important de noter que la servitude est liée à un bien immobilier spécifique, et non à son propriétaire actuel. Cette notion a un impact significatif sur la valeur du bien et doit être clairement définie, avec ses conditions, dans l’acte de vente.
Le partage de la servitude
La personne qui doit tolérer cette intrusion est appelée le “fond servant”, tandis que celle qui bénéficie de cette permission est désignée comme le “fond dominant”.
Les servitudes peuvent avoir diverses origines, qu’elles soient légales en raison des caractéristiques naturelles du terrain ou qu’elles résultent d’un accord contractuel entre les propriétaires de terrains adjacents.
Un exemple concret de servitude est le “droit de passage”, qui est une exigence incontournable pour les propriétés qui n’ont pas d’accès direct à la voie publique. Dans ce cas, le voisin peut utiliser un passage, mais il n’a pas le droit de revendiquer la propriété de ce passage.
L’article 142 du CDR dispose que le propriétaire, dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante pour l’exploitation, soit agricole, soit industrielle de sa propriété, peut réclamer un passage sur les fonds de ses voisins, à la charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.
Selon l’article 97 du CDR, le droit de superficie est un droit réel immobilier qui consiste dans le fait de posséder des bâtiments, ouvrages ou plantations sur un fonds appartenant à autrui.
Celui qui a le droit de superficie peut toujours l’aliéner et l’hypothéquer. Il peut grever de servitudes les biens qui font l’objet de son droit, mais dans la limite qui lui appartient pour l’exercice de ce droit, au regard de l’article 98 du CDR.
Le droit de superficie s’éteint : par la confusion ou la destruction du fonds selon l’article 99 du CDR.
La mitoyenneté est un droit de propriété sur un mur, une clôture, une haie, un fossé, édifiés sur la limite séparative, qui appartiennent en commun à deux voisins, dont les terrains sont contigus.
L’article 116 du CDR considère que aussi bien à la campagne qu’en ville que “tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu’à l’héberge, ou entre cours et jardins, et même entre clos dans les champs, est présumé mitoyen, s’il n’y a titre ou marque du contraire”.