Chapitre 6 : L’immatriculation foncière

Le Dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) sur l’immatriculation foncière a une portée historique comme nous l’avons précédemment évoqué.

Au regard de l’article 1, cette procédure consiste à :

  • Immatriculer un immeuble suite à une procédure de purge, donnant lieu à l ’ établissement d’un titre foncier qui annule tous titres et purge tous droits antérieurs qui n’y seraient pas mentionnés ;
  • Inscrire sur le titre foncier ainsi établi tout acte et fait portant constitution, transmission, modification, reconnaissance ou extinction de droits réels ou charges foncières relatifs à l’immeuble qui en fait l’objet.

Mais la question est essentielle est de savoir pourquoi il est impératif d’immatriculer un bien.
La réforme de l’immatriculation foncière est intervenue avec la loi n° 14-07 modifiant et complétant le dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) sur l’immatriculation foncière.

Section 1 : Les caractéristiques de l’immatriculation

1§. L’immatriculation: une approche ambivalente

Le caractère facultatif de l’immatriculation

L’immatriculation est une démarche facultative, mais il est fortement recommandé de la réaliser en cas d’acquisition immobilière.

En effet, l’immatriculation permet d’obtenir le titre foncier, qui est définitif et incontestable. Ainsi, il constitue le seul point de départ officiel des droits réels et des charges foncières existant sur le bien au moment de l’immatriculation, excluant tout autre droit non enregistré.

Article 6 : L’immatriculation est facultative. Toutefois, lorsqu’une réquisition d’immatriculation a été déposée, elle ne peut être retirée.

Mais il existe des situations où l’immatriculation est obligatoire paradoxalement dans deux situations. Lorsque le législateur ou le ministre de tutelle en charge de l’ANCCF exige par voie législative ou réglementaire, et par les tribunaux du Royaume dans le cadre des procédures de saisies immobilières, obligent à une immatriculation obligatoire.

Article 7 : L’immatriculation est obligatoire dans les cas prévus par des lois spécifiques et dans les zones à ouvrir à cet effet par arrêté du Ministre de tutelle de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie pris sur proposition de son directeur.

Article 8 L’immatriculation est également obligatoire, quand elle est ordonnée par les tribunaux compétents au cours d’une procédure de saisie immobilière à l’encontre du saisi.

Section 2 : Comment se déroule la procédure d’immatriculation ?

1§. Les intervenants lors de la procédure de réquisition

• Le conservateur de la propriété foncière est chargé de la tenue du registre foncier relatif à la circonscription relevant de sa compétence territoriale et de l’exécution des formalités et des procédures prescrites pour l’immatriculation foncière.

• Les personnes habilitées à requérir l’immatriculation foncière selon l’article 10 du dahir de 1913.

Qui sont ces personnes ?

Les personnes habilitées à requérir l’immatriculation foncière

Le propriétaire : Il s’agit de la personne qui possède légalement la propriété de l’immeuble.
Le copropriétaire : Un copropriétaire a également la possibilité de demander l’immatriculation. Il doit fournir des informations concernant les autres copropriétaires, notamment leur identité et leur part respective de propriété. Toutefois, cela est soumis au droit de chefaa des autres copropriétaires, s’ils sont éligibles pour exercer ce droit. Les détenteurs de droits réels : Les personnes qui détiennent des droits réels tels que l’usufruit, l’usage, l’habitation, l’emphytéose ou l’antichrèse ont la faculté de demander l’immatriculation.

Les titulaires de droits musulmans :

Ce groupe englobe ceux qui détiennent des droits résultant d’un démembrement de la propriété reconnu par le droit musulman, tels que les titulaires d’un droit de guelsa ou de zina.
Les titulaires de servitudes foncières ou d’hypothèques : Ils ont la possibilité de demander l’immatriculation, sous réserve du consentement du propriétaire.
Les créanciers hypothécaires impayés : Un créancier hypothécaire qui n’a pas reçu de paiement à l’échéance et qui a obtenu un jugement contre le débiteur peut entamer une procédure de saisie immobilière et solliciter l’immatriculation.
Les tuteurs ou curateurs de personnes incapables : Les tuteurs ou curateurs d’une personne incapable peuvent requérir l’immatriculation au nom de leur pupille, pour autant que cette personne détienne des droits qui lui permettraient de le faire elle-même si elle n’était pas incapable.

2§. L’enrôlement de la réquisition d’immatriculation foncière

Le dépôt de la réquisition est la procédure par lequel la demande d’immatriculation foncière est officiellement enregistrée auprès de la conservation foncière dans le ressort de laquelle est situé l’immeuble en question.

A. Que contient la demande de réquisition ?

Toute personne souhaitant faire une réquisition doit compléter un formulaire de demande d’immatriculation, fourni gratuitement par la conservation foncière. Ce formulaire requiert divers renseignements et données détaillés par l’article 13, concernant le propriétaire, les titulaires de droits, ainsi que l’immeuble dont l’immatriculation est demandée.

Ce formulaire doit être accompagné d’une copie certifiée conforme de la carte d’identité du demandeur, de l’origine de propriété, des originaux ou copies certifiées conformes des titres, contrats ou actes justifiant ce droit. Dans le cas d’un morcellement, une attestation de morcellement doit également être fournie. Enfin, une description complète de la circonscription et de l’emplacement de l’immeuble doit être incluse.

La description du bien visé par l’enrôlement

-Une description de la propriété foncière soumise à l’immatriculation.
-La liste des bâtiments et des aménagements présents sur la propriété foncière.
-Les caractéristiques spécifiques de la propriété foncière.
-L’emplacement de la propriété foncière.
-Les limites de la propriété foncière ainsi que les propriétés voisines ou adjacentes.

Quid de la réquisition faite par une personne morale ?
-Le nom de la personne morale, qu’il s’agisse d’une société, d’une association, d’une institution publique, ou autre.
-La forme juridique de la personne morale, c’est-à-dire si c’est une société, une association, etc.

– L’adresse du siège social de la personne morale.
-Les représentants légaux de la personne morale et les membres de son conseil d’administration, le cas échéant.

Les pièces obligatoires à joindre à la réquisition:

• Noms et adresses des propriétaires des biens fonciers adjacents.

• Nom du bien-fonds des propriétaires adjacents, le cas échéant.

• Droits réels existants sur la propriété foncière, avec les noms, identités, adresses, et, si applicable, le nom du conjoint et le régime financier des époux.

• Déclaration sur la part de la propriété que le propriétaire détient, qu’elle soit totale ou partielle, ainsi que la manière dont la propriété a été acquise. En cas de perte de la possession, les circonstances de cette perte doivent également être expliquées.

• Source de la propriété et les preuves qui la soutiennent.

• Traduction des documents fournis par le demandeur, aux frais de ce dernier, lorsque les documents sont rédigés dans une langue étrangère, conformément à l’article 15 de la loi sur la conservation foncière.

B. La réception de la réquisition

La réception de la réquisition et des pièces justificatives, une vérification de leur exhaustivité est effectuée.

En cas de validité du dossier de réquisition, le cadastre effectue le repérage préalable de la propriété afin de délimiter celle-ci sur une « mappe ».

Par la suite, un bulletin de localisation est délivré au requérant, acte qui équivaut à l’admission de la réquisition.

C. La publicité de la réquisition d’immatriculation

Une fois déposée à la conservation foncière, la réquisition doit suivre une procédure de publicité.
Conformément à l’article 17 de la loi 14-07, dans les dix jours suivant le dépôt, le conservateur de la propriété foncière rédige un extrait de la réquisition qui sera publié dans le bulletin officiel.
Le service de la publicité foncière vérifie la chronologie des enrôlements de réquisitions soumises à la publicité par rapport à l’historique classé par la conservation foncière.

Les modalités de la publicité

Conformément à l’article 18 de la loi 14-07, il est requis que l’extrait de la réquisition, accompagné de l’avis indiquant la date et l’heure du bornage,

• soit affiché à la conservation foncière,
• au tribunal,
• au siège de la commune,
• et également au siège de l’autorité locale du territoire où se trouve l’immeuble.

Ces institutions les affichent dans leurs locaux administratifs respectifs et les rendent accessibles au public jusqu’à la date prévue pour le bornage.
Avec un accusé de réception, attestant de la publicité durant deux mois. C’est une condition nécessaire pour la suite de la procédure.

Le délai de publicité

Des exemplaires des pièces visées à l’article 17 de la présente loi sont adressés par le conservateur de la propriété foncière contre accusé de réception, vingt jours avant la date fixée pour le bornage, au président du tribunal de première instance, au représentant de l ’autorité locale et au président du conseil communal, du territoire sur lequel se trouve l’immeuble concerné.

Ceux-ci les font obligatoirement afficher dans leurs locaux et les maintiennent ainsi exposés au public jusqu’au jour fixé pour le bornage. Le représentant de l’autorité locale fait en outre publier l’extrait et l’avis avec la date et l’heure du bornage sur les marchés de son territoire, jusqu’au jour du bornage.

Les personnes convoquées au bornage

Selon les dispositions de l’article 19 de la loi 14-07, le conservateur procède à une convocation personnelle pour participer à l’opération de bornage.
Les personnes convoquées comprennent le demandeur d’immatriculation, les riverains mentionnés dans la réquisition d’immatriculation, les parties prenantes, ainsi que les détenteurs des droits réels et des charges foncières régulièrement divulgués.
Ces convocations incluent une invitation à se présenter en personne ou par l’intermédiaire d’un mandataire dûment autorisé pour assister aux opérations de bornage.

Section 2 : La procédure de bornage

Il s’agit d’une opération topographique au cours de laquelle le délégué du conservateur installe des bornes (pierres), que le demandeur acquiert et que le conservateur positionne tous les cent mètres.

L’article 19 donne un rôle central au conservateur de la propriétaire foncière. Il dirige les opérations de bornage dont l’exécution est déléguée à un ingénieur géomètre topographe assermenté du cadastre, inscrit au tableau de l’ordre national des ingénieurs géomètres topographes.

L’ingénieur géomètre topographe délégué procède au bornage, sous sa responsabilité, en présence du requérant.

Les intéressés au bornage

Le conservateur de la propriété foncière convoque personnellement à cette opération soit par un agent de la conservation foncière, soit par la poste, sous pli recommandé, soit par
l’intermédiaire de l’autorité locale soit par n’importe quel autre moyen de notification:

1- le requérant d’immatriculation ;

2- les riverains indiqués dans la réquisition d ’immatriculation ;

3- les intervenants et les titulaires de droits réels et charges foncières qui se seraient régulièrement révélés. Ces convocations contiennent invitation à se présenter en personne ou par mandataire avec procuration régulière, pour assister aux opérations
de bornage.

1§. Le déroulement de la procédure de bornage

L’article 20 offre un cadre strict au bornage, car il doit être effectué à la date et heure fixées.

Pour assurer les conditions favorables au déroulement des opérations de bornage, il est possible de faire intervenir le Procureur du Roi doit, le cas échéant.
Ce dernier pourra mettre à disposition la force publique, à la demande du conservateur de la propriété foncière ou de toute personne ayant intérêt. Car il peut y avoir des contestations sur la propriété.

A. L’enquête du topographe

L’ingénieur géomètre topographe délégué interroge le requérant d ’ immatriculation, les riverains, les opposants, les intervenants et les titulaires de droits réels et charges foncières qui se seraient régulièrement révélés, sur tout ce qui se rapporte à l’immeuble concerné.

Le requérant d’immatriculation indique les limites de l’immeuble qu’il entend faire immatriculer ; les riverains et tous les intervenants font leurs observations et contestations.

L’enquête du topographe

L’ingénieur géomètre topographe délégué interroge le requérant d ’ immatriculation, les riverains, les opposants, les intervenants et les titulaires de droits réels et charges foncières qui se seraient régulièrement révélés, sur tout ce qui se rapporte à l’immeuble concerné.

Le requérant d’immatriculation indique les limites de l’immeuble qu’il entend faire immatriculer ; les riverains et tous les intervenants font leurs observations et contestations. .

Une enquête juridique et technique

L’ingénieur géomètre topographe délégué constate le fait et la durée de la possession, examine l’état de l’immeuble, et effectue toutes les autres observations et mesures d’enquête nécessaires.

Il positionne des bornes pour délimiter à la fois le périmètre indiqué par le demandeur d’immatriculation et les parties spécifiées dans ce périmètre qui font l’objet d’oppositions de la part des tiers. Ensuite, il établit un plan sommaire, également appelé croquis de bornage

C’est une enquête publique, sociale, technique et juridique.

Il s’agit d’une opération visant à concrétiser les limites d’une propriété en les matérialisant physiquement par la pose de bornes ou le marquage de signaux tout autour de son périmètre.

Cette démarche se concrétise par la création d’un plan régulier, rattaché au plan technique et cadastral de la triangulation générale de la zone où se situe l’immeuble en cours d’immatriculation. Une fois élaboré, ce plan est annexé au titre foncier.

En ce qui concerne la technique cadastrale, cela englobe l’opération d’implantation des bornes ou de marquage des signaux, la rédaction du procès-verbal de bornage, ainsi que la création et l’élaboration du croquis de bornage. Il est important de souligner que cette opération est publique et contradictoire.

B. Le levé cadastral: la finalisation technique

Le rattachement cadastral, également connu sous le nom de levé, constitue une opération technique purement technique, dépourvue de caractère contradictoire ou public.
C’est à partir de cette opération, appelée “levé cadastral”, que le plan régulier de la propriété en cours d’immatriculation est établi et amélioré.

2§. L’absence de l’intéressé lors du bornage

L’absence de l’intéressé

L’article 22 dispose que si le demandeur d’immatriculation ou son représentant ne se présente pas au lieu, à la date et à l’heure prévus pour l’opération de bornage, aucune opération n’est effectuée, et le procès-verbal se limite à constater cette absence.

L’article 23 précise qu’en l’absence du demandeur d’immatriculation ou de son mandataire, ou en cas de non-exécution de ce qui est nécessaire pour le déroulement de l’opération de bornage, la demande d’immatriculation est considérée comme nulle et non avenue si le demandeur d’immatriculation ne présente pas d’excuse valable dans le mois suivant la sommation qui lui est adressée.

La réquisition d’immatriculation est également considérée nulle et non avenue si le conservateur de la propriété foncière ou son délégué n’a pu effectuer l’opération de bornage deux fois consécutives en raison d’un litige concernant l’immeuble.

Synthèse de la procédure de bornage

Section 2: Les oppositions

Le conservateur de la propriété foncière fait publier et afficher, dans les formes prescrites à l’article 18 un avis portant que, pendant un délai de deux mois qui part du jour de sa publication au Bulletin officiel, les oppositions à l’immatriculation seront reçues à la Conservation foncière.

Cet avis est publié dans un délai maximum de quatre mois qui suivent le bornage définitif de la propriété.
Il est publié à nouveau, en cas de bornage complémentaire subséquent ayant pour résultat une extension des limites de la propriété.

1§. Comment sont formulées les oppositions ?

Le délai commence à partir de la clôture du bornage définitif.

Article 24 Pendant un délai de deux mois, qui court de la publication au Bulletin officiel de l’avis de clôture du bornage, toute personne qui prétend à un droit sur un immeuble en cours d’immatriculation, peut si elle ne l’a déjà fait antérieurement, intervenir en la procédure, par opposition :

1- en cas de contestation sur l’existence ou l’étendue du droit de propriété du requérant d’immatriculation ou sur les limites de l’immeuble ;
2- en cas de prétention sur l’exercice d’un droit réel susceptible d’inscription sur le titre foncier à établir;
3- en cas de contestation d’un droit publié suivant l’article 84 de la présente loi.

La formulation des oppositions

Les oppositions sont faites par voie de déclarations écrites ou orales reçues par le conservateur de la propriété foncière, ou par l’ingénieur géomètre topographe délégué lors des opérations de bornage. Dans le cas des déclarations orales, il est dressé, en présence de l’intéressé, un procès-verbal en double exemplaire dont l’un lui est remis selon l’article 25.

Le conservateur de la propriété foncière dépose les oppositions présentées dans les conditions citées ci-dessus dans un registre spécial dit « registre des oppositions ».

Après l’expiration du délai de 2 mois à compter de la date de publication au BO.

Article 30: Dans les trois mois qui suivent l’expiration du délai d’opposition, le conservateur de la propriété foncière procède à l’immatriculation de l’immeuble après s’être assuré de l’accomplissement de toutes les formalités prévues par la présente loi, de la régularité de la demande, que les documents produits sont suffisants et qu’aucune opposition n’a été formulée.

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Samira Benboubker
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