Les droits des passagers aériens : La transposition du droit européen adaptée au secteur du transport aérien marocain

Les droits des passagers aériens La transposition du droit européen adaptée au secteur du transport aérien marocain

Le Maroc est l’une des destinations privilégiées des Européens, et plus particulièrement des Français, selon le baromètre Orchestra, se classant ainsi à la troisième place du classement. À cela s’ajoute l’attractivité touristique liée à la transhumance annuelle de la diaspora marocaine à l’étranger. Durant la période estivale, le trafic aérien augmente considérablement, avec une hausse de 11% depuis 2019, selon l’ONDA (Office National des Aéroports du Maroc).

Il convient de s’intéresser aux droits des passagers aériens, marocains ou étrangers, pour les vols en provenance ou à destination du Maroc, en cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement, communément appelé “surbooking”.

La protection des droits du passager aérien au regard du droit marocain

La responsabilité du transporteur aérien en cas d’annulation de vol, de refus d’embarquement ou de surbooking est consacrée par le code de l’aviation civile. Bien qu’on puisse penser au droit de la consommation, ce n’est pas le cas, car le contrat de transport n’est pas un contrat de consommation, même s’il a été conclu par voie électronique. Le passager n’est pas considéré comme un consommateur à proprement parler, mais il bénéficie de règles protectrices fixées par le législateur dans le droit spécial, à savoir le code de l’aviation civile. Il est important de rappeler que le contrat de transport de personnes n’est pas un contrat de consommation, mais le droit spécial à travers le code de l’aviation civile, lui donne certains attributs du consommateur.

Malheureusement, le code de l’aviation marocain ne définit pas clairement l’annulation de vol ou le retard, ce qui est regrettable.

Le refus d’embarquement, évoqué dans le code de l’aviation civile, permet au transporteur aérien de vendre plus de places que la capacité de l’avion (pratique du Yield Management). En 2016, le législateur marocain a procédé à une convergence normative avec le droit européen en matière de transport aérien (Accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses États membres, et le Royaume du Maroc de 2006, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A22006A1229%2804%29 ).

Le code de l’aviation civile marocain a donc transposé les dispositions du règlement européen (CE) no 261/2004 en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard important d’un vol.

L’article 222 du code de l’aviation civile autorise le transporteur aérien à pratiquer le refus d’embarquement pour des passagers qui ont une réservation confirmée pour le vol concerné. Le transporteur doit alors faire appel aux volontaires acceptant de renoncer à leur réservation en échange de certains avantages et d’une assistance (hébergement, repas, communications). Dans le cas où les volontaires ne sont pas en nombre suffisant, le transporteur peut alors refuser l’embarquement des passagers sans avoir obtenu leur accord. Le législateur a ainsi opté pour une transposition littérale du règlement européen en matière de surbooking.

Le cas de l’article 223 du code de l’aviation civile marocain et de son interprétation

Article 223 du code de l’aviation civile marocain en français
En cas d’annulation d’un vol ou de retard d’un vol les passagers ont droit à une indemnité et à une assistance prêtée dans les conditions et selon les modalités fixées par voie réglementaire en conformité avec les dispositions des conventions internationales en la matière et en tenant dament compte des délais dans lesquels ils ont eu connaissance de l’annulation ou du retard, des possibilités techniques et commerciales, notamment en cas de réacheminement et des distances de vol calculées selon la méthode de route orthodromique.

Cependant, un débat subsiste concernant l’article 223 du code de l’aviation civile : quelle version doit-on prendre en compte, celle en arabe ou en français ? La version en arabe a omis le terme “indemnisation” pour ne laisser que le droit à l’assistance. Cette différence crée une incertitude quant à l’application de cet article. Il est donc légitime de se demander quelle version prévaut.

Dans notre cas, une première version de l’avant-projet était publiée en français par le Secrétariat Général du Gouvernement : Voir le PDF.

Il aurait été impensable de travailler sur la convergence du code de l’aviation civile marocain avec le droit européen en langue arabe, compte tenu de l’accord euro-méditerranéen de 2006.

En raison de l’antériorité de la version française et de sa conformité avec le règlement de n°261/2004 et la Convention de Montréal de 1999, l’article 222 du code de l’aviation civile marocain doit être interprété comme consacrant à la fois le droit à l’indemnisation et à l’assistance.

Concernant la portée de l’indemnisation, celle-ci est systématique en cas de retard important, d’annulation de vol ou de surbooking, représentant une responsabilité objective du transporteur aérien. Le passager n’a pas besoin de prouver la faute du transporteur, simplement le retard. Cependant, si le retard important ou l’annulation résulte de circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire dans des situations que le transporteur n’aurait pas pu éviter, alors l’indemnisation n’est pas due. Le transporteur reste cependant tenu de fournir une assistance aux passagers. La Cour de Justice de l’Union européenne a consacré cette obligation dans un arrêt (Denise McDonagh / Ryanair Ltd du 31 janvier 2013, https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-12/11&language=FR).

En ce qui concerne le montant de l’indemnisation, le droit marocain a opté pour une indemnisation forfaitaire en fonction de la distance et du prix du billet d’avion.

Pour les vols de moins de 1500 kilomètres, le transporteur devra indemniser le passager à hauteur de 30% du prix du billet d’avion.

Pour les vols compris entre 1500 kilomètres et 3500 kilomètres, l’indemnisation sera de 50%, et pour les vols au-delà de 3500 kilomètres, le montant s’élèvera à 75%.

 Ce barème forfaitaire permet une indemnisation systématique, mais il est critiqué pour être parfois dix fois supérieur au prix du billet, ce qui peut peser sur les compagnies aériennes.

Le droit marocain a transposé partiellement l’article 7 du règlement de 2004, le transporteur de la Communauté ( européen) doit un montant forfaitaire avec les mêmes référentiels kilométriques :

  • 250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins;
  • 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres;
  • 600 euros pour tous les vols.

Pourquoi cette différence dans la transposition en droit marocain ?

Le montant forfaitaire permet une indemnisation systématique, avec une forme de dommages-intérêts punitifs. En effet, la démocratisation du transport aérien a été possible par une baisse des prix des billets d’avion, ce qui a été accentuée par l’avènement des compagnies low-cost.

La principale critique est que les montants d’indemnisation étaient parfois dix fois supérieurs au prix du billet.  Mais le montant était dissuasif, pour éviter que les compagnies aériennes annulent

Avec les récents changements dans le secteur aérien dus à la pandémie de COVID-19, les faillites de certaines compagnies aériennes ont fragilisé le secteur. Il convient donc de reconsidérer le système d’indemnisation forfaitaire afin de trouver un équilibre entre les droits des passagers et la pérennité des compagnies aériennes. Le barème forfaitaire en fonction du prix du billet d’avion pourrait être une alternative sérieuse au système européen, permettant de concilier les droits des passagers avec la situation économique du secteur aérien marocain, notamment pour les vols internes et les vols hors Union européenne.

Le droit marocain a adopté un système d’indemnisation forfaitaire basé sur le prix du billet d’avion. Cette approche tient compte du contexte aérien spécifique du Maroc, avec sa compagnie nationale, la Royal Air Maroc, et une autre compagnie marocaine, Air Arabia, filiale d’une compagnie émiratie. En revanche, les autres compagnies européennes desservant le Maroc appliquent automatiquement la réglementation européenne. Cette différence de transposition s’explique par le fait que le droit européen s’applique systématiquement aux vols au départ ou à destination de l’Europe vers le Maroc.

Un arrêt de la CJUE, l’affaire Wegener c./ Royal Air Maroc 31 mai 2018 (https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=202408&doclang=FR ), a renforcé cette exigence même avec les vols avec correspondances dans des Etats Tiers. En l’espèce, une passagère allemande avait subi un important retard au départ d’un vol reliant Berlin à Agadir, avec une escale à Casablanca. La compagnie nationale avait refusé son embarquement sur le vol Casablanca-Agadir, ce qui avait entraîné un retard important, ouvrant droit à indemnisation en vertu du règlement européen de n°261/2004.

La RAM a soutenu que le refus d’embarquement s’était produit au Maroc, lors d’un vol interne dans un État tiers, et que par conséquent, le règlement européen ne pouvait s’appliquer. Cependant, la CJUE a considéré que le vol formait une unité, incluant l’escale à Casablanca qui correspondait à un changement d’appareil (vol avec correspondance) d’un État membre à un État tiers. Dès lors, le règlement de 2004 était applicable.

En conclusion, le système d’indemnisation forfaitaire basé sur le prix du billet d’avion, utilisé au Maroc, pourrait être envisagé comme une alternative sérieuse au système européen, permettant de concilier les droits des passagers avec les intérêts des compagnies aériennes.

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Samira Benboubker
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