Section 1 : L’obligation conditionnelle

La condition est un événement futur, et incertain, auquel est subordonnée la formation, ou la disparition de l’obligation.
L’article 107 du DOC dispose que « «la condition est une déclaration de volonté́, qui fait dépendre d’un évènement futur et incertain, soit l’existence de l’obligation, soit son extinction ».

L’évènement passé ou présent, mais encore inconnu des parties, ne constitue pas une condition. Dès lors la condition ne peut être suspensive ou résolutoire que pour un évènement futur et incertain.

1§. La distinction obligation suspensive et résolutoire

Selon la définition du lexiques juridiques, « la condition est dite suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple et le droit ne naît qu’à compter de cet accomplissement ».
Si la condition est résolutoire, la survenance de l’évènement fait disparaitre le droit rétroactivement.

2§. Les caractéristiques de l’obligation conditionnelle

L’obligation a un caractère futur et incertain ( 2 conditions cumulatives ).  

Si une obligation est conditionnelle mais que la condition est déjà remplie au moment où l’acte est conclu, cette obligation n’est plus considérée comme conditionnelle. Elle devient immédiatement efficace. Cependant, si la condition est résolutoire et non remplie, l’obligation n’a jamais été créée et ne le sera jamais.

A. Le caractère incertain

Le caractère incertain de la condition peut conduire la condition à ne jamais produits ses effets, faute pour l’événement de survenir.

Pourquoi ? Car de tels contrats pourraient être nuls au regard de la prohibition des engagements perpétuels.

Selon l’article 117 du DOC, « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixé, cette condition est censée défaillie, lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé.Le tribunal ne peut accorder, dans ce cas, aucune prorogation de délai. Si aucun terme n’a été fixé, la condition peut toujours être accomplie : et elle n’est censée défaille que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas ».

Une condition est une déclaration ou une exigence qui doit être remplie pour que le contrat ou une obligation soit valide.

Lorsqu’un événement est requis pour se produire dans un délai spécifié, afin que la condition soit remplie, si l’événement ne se produit pas avant que le délai expire, il est considéré comme échoué. Dans ce cas, les juridictions ne peuvent pas prolonger le délai.

D’autre part, si aucun délai n’est spécifié, la condition peut encore être remplie et elle est considérée comme échouée uniquement lorsqu’il est certain que l’événement ne se produira pas.

B. La condition potestative

Selon, l’article 112 du DOC : L’obligation est nulle, lorsque l’existence même du lien dépend de la nue volonté de l’obligé (condition potestative). Néanmoins, chacune des parties, ou l’une d’elles, peut se réserver la faculté de déclarer, dans un délai déterminé, si elle entend tenir le contrat on le résilier.

La condition potestative signifie que l’événement déclencheur de l’obligation peut être contrôlé par l’une des parties. Si cette réalisation dépend uniquement de la volonté du débiteur, alors il peut choisir de ne pas remplir son obligation, ce qui pose un risque.

La validité de la condition dépend donc de la qualité de la partie, étant valable lorsque celle-ci dépend de la volonté du créancier, mais pas lorsqu’elle dépend uniquement de celle du débiteur (comme dans le cas où le débiteur peut décider s’il veut remplir son obligation ou non). Cependant, si la condition dépend également d’une circonstance indépendante de la volonté du débiteur, elle est considérée comme licite.

Le débat doctrinal sur les degrés de la condition potestative

La doctrine a donné une approche graduelle de la condition potestative en France.

Il y aurait :

    • les conditions purement potestatives

    • les conditions simplement potestatives,

Le régime de la « potestativité » se module selon que la condition était suspensive ou résolutoire, ou selon que le contrat était conclu à titre gratuit ou onéreux.

Selon vous cette approche peut-elle perdurer ?

L’existence d’un contrôle de la condition potestative peut causer des complications pour la formation du contrat et augmenter les risques d’annulation. Il existe de nombreux droits potestatifs valables qui donnent un pouvoir unilatéral à l’une des parties, cependant, il est préférable d’utiliser un contrôle a posteriori ou basé sur l’équilibre contractuel pour les clauses abusives plutôt qu’un contrôle à priori.

La condition potestative pure est celle où le débiteur peut décider de ne pas remplir son obligation, indépendamment de l’intervention d’un tiers. Cela concerne toutes les conditions où le débiteur doit agir pour réaliser l’événement, mais n’est considérée comme potestative que si le débiteur a un intérêt à ne pas remplir son obligation. Sinon, elle ne sera pas considérée comme potestative.

Ex: le crédit immobilier lors de la signature du compromis de vente

Le contrôle à posteriori par le juge

La condition est considérée comme potestative lorsque le pouvoir du débiteur pour remplir son obligation est totalement discrétionnaire, c’est-à-dire qu’il n’est lié à aucun événement extérieur. Cependant, si la réalisation de l’événement dépend d’événements extérieurs qui peuvent être vérifiés de manière objective par le juge, la condition ne sera pas considérée comme potestative. Dans cette perspective, le débiteur a fait tout ce qui était en son pouvoir pour réaliser l’événement, dès lors on est en présence d’une simple obligation de moyen.

La sanction en cas de potestativité :

En principe, la condition potestative est sanctionnée par la nullité relative au regard de la liceité de l’objet. La condition doit être licite, ainsi la condition impossible ou contraire à l’ordre public entraîne la nullité du contrat.

L’article 108 va dans ce sens car « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs ou à la loi, est nulle, et rend nulle l’obligation qui en dépend; l’obligation n’est pas validée, si la condition devient possible par la suite ».

En effet, toute condition qui est impossible à réaliser, contraire aux bonnes mœurs ou à la loi, est considérée comme nulle. Cela signifie également que l’obligation qui en dépend également est frappée de nullité. Il est important de noter que même si la condition devient possible plus tard, cela ne valide pas l’obligation. Ainsi, toute condition qui est impossible, immorale ou illégale est considérée comme nulle et ne peut être utilisée pour valider une obligation même ultérieure.

L’article 109 réaffirme la prohibition de la restriction des droits dans l’objet formant obligation : « Est nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend, toute condition ayant pour effet de restreindre ou d’interdire l’exercice des droits et facultés appartenant à toute personne humaine, telle que celle de se marier, d’exercer ses droits civils ».

Un contrat de travail ne peut contenir une clause de non-convol, interdisant à une salarié de se marier[1].

Cette règle ne s’applique pas dans le cas où une partie s’interdit d’exercer une certaine activité économique pour une durée déterminée ou dans une zone géographique spécifique. C’est notamment le cas dans la clause de non-concurrence.

Un salarié qui ne respecte pas la clause non-concurrence en travaillant chez le concurrent de l’employeur précédent et dans la même ville, doit réparation à ce dernier[2].

Par contre, la clause devra contenir des limitations strictes concernant le temps et l’espace. A défaut, le juge pourra en prononcer la nullité. Dans un arrêt de la cour de Cassation Marocaine, en date du 09 octobre 2018, la cour a estimé que la clause de non-concurrence non délimitée est nulle[3].

Il s’agit d’une condition qui est basée sur la réalisation d’un événement qui va à l’encontre de l’ordre public. Les conditions immorales, dont l’appréciation relève du juge, sont considérées comme des atteintes à l’ordre public et sont donc frappées de nullité. Cette nullité est absolue car elle touche à l’ordre public.

3§. Les effets de la condition: suspensive ou résolutoire

La condition suspensive est une modalité qui rend l’obligation dépendante d’un événement futur. Cela signifie que l’obligation n’existe pas avant que cet événement se produise, et elle est donc considérée comme “pendante” ou “éventuelle”.

Si l’événement prévu par la condition ne se produit jamais, alors l’obligation n’existera jamais non plus. Avant que l’événement ne se produise, l’obligation pendante n’existe pas et le débiteur n’a pas à s’exécuter, la situation reste inchangée.

Le créancier ne peut donc pas exiger de paiement. Si le débiteur paie avant la réalisation de la condition, il peut demander une répétition de l’indu car il y a encore incertitude sur l’existence même de son engagement. Cette situation est l’inverse de celle qui existe pour les termes, car l’arrivée d’un terme est une certitude.

Le débiteur face à l’obligation pendante : peut-il librement disposer de l’obligation ?

L’obligation pendante n’est pas une obligation inexistante. Elle a une certaine consistance, même si elle n’est pas pure et simple. Elle a toutefois le potentiel de le devenir. Cette seule potentialité crée des devoirs pour le débiteur et confère des droits limités au créancier.

Le débiteur n’est ainsi pas libre dans son action. Il doit prendre en compte la potentialité de l’obligation et ne peut donc, par son comportement, toucher à la substance de l’obligation.

Si le débiteur empêche la survenue de l’événement, la condition pourra être annulée et l’obligation deviendra pure et simple

Lorsqu’il est impliqué dans la réalisation d’un événement prévu par une condition, le débiteur doit agir avec diligence et s’assurer que cet événement puisse se produire. Il doit également s’abstenir de tout acte qui pourrait empêcher la mise en œuvre de l’obligation. Par exemple, s’il doit livrer un bien spécifique, il doit s’abstenir de disposer de ce bien, car cela l’empêcherait de s’acquitter de son obligation si l’événement se réalise. Cette exigence est liée à l’application de la bonne foi dans les relations contractuelles. Le comportement fautif du débiteur peut également entraîner des dommages-intérêts.

In fine, le débiteur ne peut librement disposer de l’obligation qui est pendante. A contrario, le créancier peut librement disposer de l’obligation non encore transmise par le débiteur.

En effet, du point de vue du créancier, l’obligation pendante représente une valeur potentielle dans son patrimoine. Il peut donc céder ou transférer cette obligation pendante de la même manière qu’une obligation effective. Il peut également demander une saisie ou des mesures conservatoires en référence à cette obligation pendante.

La réalisation de la condition produit des effets de plein droit à une date déterminée

Article 118 du DOC: Lorsqu’une obligation licite est contractée sous la condition qu’un événement n’arrivera pas dans un temps fixé, cette condition est accomplie, lorsque ce temps est expiré sans que l’événement soit arrivé; elle l’est également si, avant le terme, il est certain que l’événement n’arrivera pas; et, s’il n’y a pas de temps déterminé, elle n’est accomplie que lorsqu’il est certain que l’événement n’arrivera pas.

La condition suspensive est automatique et ne nécessite pas l’intervention d’un juge. Cela signifie que l’effet de la condition se produit sans aucune notification de la part du créancier.

De plus, le juge ne peut pas décider si elle est appropriée ou non. Lorsque l’événement déclencheur de la condition se réalise, l’obligation devient effective et les effets de cette obligation prennent effet à cette date. Le débiteur doit alors s’exécuter, et dans le cas d’un contrat de transfert de propriété, la propriété et les risques sont transférés à cette date.

Les conditions suspensives dans les contrats internationaux : le cas des contrats IATA pour l’achat d’aéronef :

Conditions Precedent dans IATA agrement

•          The conditions precedent (CP) to delivery under any lease agreement are those pre-conditions, whether factual, documentary or otherwise, which must be satisfied before the relevant party is obliged to proceed with delivery and acceptance, and the lease term commences.

•          In most aircraft leases it is necessary for both parties to satisfy certain conditions precedent. In the event of a failure by one party to satisfy any of the conditions precedent, the non-defaulting party is entitled not to proceed with delivery or acceptance of the aircraft, or alternatively may agree to proceed on the basis of the waiver or deferral of the relevant CP as discussed below[1].

Certaines conditions suspensives selon l’IATA ne sont pas négociables, et doivent être exigées, elles concernent notamment les garanties financières, les lettres d’intention, les délégations de pouvoir.

CP non négociables

Certain CPs are by their nature non-negotiable although this can sometimes even be narrowed down to receipt of payments and insurance certificates only:

    • Payments (security deposits, commitment fee, first rent, etc.)

    • Provision/creation of letters of guarantee, credit or other credit enhancement instruments in place

    • Receipt of the insurance certificate and broker’s letter of undertaking

    • Receipt of certain key documents (e.g. deregistration, Power of Attorney, proof of legal capacity to enter into the lease with supporting legal opinion, board approval resolutions)[2].

Les obligations conditionnelles dans la période pré-contractuelle

La définitions des pourparlers

Les négociations désignent la phase précontractuelle de discussion entre les parties concernant le contrat projeté.

Cette phase n’est pas encadrée par le législateur marocain, aucune disposition ne traite de la négociation.  Néanmoins, des principes qui transcendent le contrat formé peuvent s’appliquer à la négociation. C’est le cas de la bonne foi connue dans l’exécution du contrat qui peut être transposée aux pourparlers.

Ainsi l’article 231 du DOC exige que « Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige, non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l’usage ou l’équité donnent à l’obligation d’après sa nature ».

Au regard de l’ensemble du Dahir des obligations et des contrats, c’est la seule disposition qui pourrait être rattachée à la négociation de par son caractère universel.

Les articles 1112 à 1112-2 du code civil français, relatifs aux négociations, ont été introduits par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

L’article 1112 du code civil français énonce un principe de liberté des négociations au stade de l’initiative, du déroulement et de la rupture de celles-ci, tout en précisant que le principe de bonne foi doit également impérativement les régir.

Les obligations rattachées aux négociations

Devoir d’information

Un devoir d’information est prévu à l’article 1112-1 du code civil français.

Si une personne est informée d’un détail important qui affecte le choix de l’autre personne de s’engager dans un contrat, elle est tenue de partager cette information avec l’autre partie, surtout si cette dernière ne connaît pas cette information ou a confiance en son partenaire contractuel.

Le droit marocain sanctionne sur le terrain de la nullité, la réticence dolosive, ou l’erreur, l’information retenue, erronée, ou dolosive qui conduit la partie à contracter[1].

Obligation de confidentialité

L’article 1112-2 du code civil français énonce qu’une partie peut être sanctionnée en cas d’utilisation ou de divulgation sans autorisation d’une information confidentielle obtenue lors des négociations. La sanction du manquement à cette obligation de confidentialité est l’engagement de la responsabilité dans les conditions du droit commun.

En droit marocain, un accord de confidentialité pré-contractualisé par les parties pourra être contraignant sur le fondement de l’article 262 du DOC[2].

L’offre ou la pollicitation est une déclaration unilatérale d’une personne qui souhaite conclure un contrat. L’offrant peut présenter une offre ferme ou inviter à une négociation. Les discussions peuvent être formalisées par un contrat, dans certains cas, les parties peuvent signer un engagement de négocier, comme une lettre d’intention, un accord de confidentialité ou des conditions suspensives.         

La bonne foi est l’« attitude traduisant la conviction ou la volonté de se conformer au Droit qui permet à l’intéressé d’échapper aux rigueurs de la loi »[3].

La rupture abusive des pourparlers

La liberté de mettre fin aux négociations peut causer des problèmes lorsqu’elles sont brusquement interrompues. Si les pourparlers sont très avancés et qu’une des parties a investi de grosses sommes pour que le projet aboutisse, la rupture des pourparlers doit être justifiée pour ne pas être considérée comme une faute[1]. C’est le cas par exemple lorsqu’une partie rompt les négociations sans raison valable ou fait croire à ses partenaires que le contrat est sur le point d’être conclu[2].

Dans un arrêt de la chambre commerciale de la cour de Cassation française du 18 janvier 2011, les juges ont analysé très finement la rupture abusive et son aspect intentionnel : « la cour d’appel a retenu à bon droit que M. X…, qui avait rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu’il entretenait avec son partenaire qui avait déjà, à sa connaissance, engagé des frais et qu’il avait maintenu volontairement dans une incertitude prolongée en lui laissant croire que l’affaire allait être conclue à son profit, avait manqué aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales et avait ainsi engagé sa responsabilité délictuelle envers M. Y »[3].

L’inexécution d’une obligation précontractuelle, comme celle d’informer, engendre une responsabilité délictuelle car elle résulte d’un acte ou d’une omission antérieur à la formation proprement dite du contrat.


[1] Com. 26 nov. 2003, nos 00-10.243, Alain Manoukian.

[2] Denis Mazeaud, « Mystères et paradoxes de la période précontractuelle », dans Mél. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 637 s. 

[3] Com. 18 janv. 2011, no 09-14.617 


[1] Article 39 du DOC : Est annulable le consentement donné par erreur, surpris par dol, ou extorqué par violence.

[2] Article 262 : Lorsque l’obligation consiste à ne pas faire, le débiteur est tenu des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention; le créancier peut, en outre, se faire autoriser à supprimer, aux dépens du débiteur, ce qui aurait été fait contrairement à l’engagement.

[3] G. CORNU [dir.], Vocabulaire juridique, Vo Bonne foi, PUF).

[1] Guidance Material and Best Practices for Aircraft Leases Effective 4ème edition, May 2017, p.8, disponible sur https://www.iata.org/contentassets/bf8ca67c8bcd4358b3d004b0d6d0916f/ac-leases-4th-edition.pdf


[1] CA Paris, 30 avr. 1963, Épx Barbier c/ Air France, D. 1963. 428, note Rouast.

[2] Cassation ch. soc Rabat, 07 décembre 2002, décision n°1114, N° de dossier,182/5/1/2001.

Réf : 19720 Cour suprême – Centre de publication et de Documentation Judiciaire Arrêts de la Chambre Sociale – 50 ans | | Année : 2007 | Page : p. 154

[3] Cassation ch. soc Rabat, 09 octobre 2018, n_870, N° de dossier, 1055/5/1/2018, réf. 21723

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Samira Benboubker
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