Section 1 : Les ensembles contractuels et les chaînes de contrats

Une opération peut nécessiter plusieurs contrats, cette situation caractérise les montages complexes mais pas uniquement. L’achat d’un bien immobilier par un particulier exige de conclure une succession de contrat : le compromis de vente, le contrat de vente définitif, le contrat de prêt, et un contrat d’assurance.

Pour la construction d’immeuble, le maitre d’ouvrage va conclure un contrat avec le maître d’œuvre. Ce dernier va conclure un contrat avec différents intervenants (cabinet d’études, architecte, constructeurs des gros œuvres) qui vont eux-mêmes conclure avec des sous-traitants.

1§. Les montages complexes

Lors de montages complexes, il est nécessaire d’avoir plusieurs contrats qui sont liés les uns aux autres. Chaque contrat perd de son individualité, puisque son efficacité va dépendre des autres contrats.

Les montages complexes ont permis à la doctrine d’explorer le terrain des chaînes de contrats. Un contrat peut avoir un impact sur l’ensemble de la chaîne de contrats en raison de son lien d’interdépendance économique avec les autres contrats qui le composent.

Le contrat sera alors interprété et jugé en fonction de la cohérence de l’opération globale. Cela peut être le résultat d’une série de contrats ayant le même bien pour objet ou de plusieurs contrats conclus pour réaliser une même opération économique.

Il faut que les contrats soient objectivement liés à une même opération économique et que les parties aient voulu les lier pour que l’interdépendance soit créée.

2§. La distinction entre les chaînes de contrats homogènes et hétérogènes

La chaîne de contrats est considérée comme homogène lorsque tous les contrats qui la composent sont similaires. En revanche, elle est considérée comme hétérogène lorsque les contrats qui la composent, bien qu’ils aient le même objet, sont de natures différentes.

Un exemple d’ensemble contractuel hétérogène est lorsqu’un contrat de vente pour l’achat d’un bien immobilier est associé à un contrat de prêt entre l’acheteur et la banque pour financer cet achat. Ces deux contrats distincts forment une opération économique unique.

3§. La distinction entre les ensembles contractuels et les chaînes de contrats

Selon certains auteurs, lorsque les contrats qui forment un ensemble ont des effets concomitants, cela constitue un complexe contractuel ou un ensemble contractuel stricto sensu.

Cependant, lorsque les contrats produisent leurs effets successivement, il est plus difficile de considérer cela comme un ensemble contractuel. Néanmoins, dans le cas des chaînes de contrats, qui sont une série de contrats destinés à faire circuler une chose de la production ou de l’importation à l’utilisateur final, on admet l’existence d’un ensemble contractuel.

Les chaînes de contrats les plus courantes sont celles associées à la distribution d’un produit, appelées chaînes de contrats de vente. Au contraire, l’ensemble contractuel est formé de contrats de même nature, telle que la sous-traitance. Dans ce cas, un entrepreneur signe un contrat d’entreprise avec le maître d’ouvrage et demande à un autre entrepreneur moins occupé ou plus spécialisé de réaliser tout ou partie du travail à sa place en signant un second contrat d’entreprise appelé contrat de sous-traitance. Ce type d’ensemble contractuel est considéré comme homogène et correspond à l’hypothèse du sous-contrat, comme la sous-licence, la sous-franchise ou la sous-commission dans le contexte international.

L’apparition du sous-contrat se produit lorsque, dans le cadre de l’exécution d’un type de contrat donné, le débiteur contractuel sollicite un tiers pour accomplir tout ou partie de ses obligations. Pour ce faire, il conclura généralement un contrat de même nature que le contrat principal avec ce tiers. Cela se produit souvent dans les contrats cadres et d’exécution. Le contrat est en quelque sorte dupliqué avec un autre cocontractant, avec une transposition des clauses, des exigences, des normes avec le nouveau contractant, qui sont transférés par le débiteur originel.

L’impact de la chaîne de contrats sur la transmission de la responsabilité

Une chaîne homogène de contrats translative de propriété emporte une responsabilité contractuelle du premier vendeur. Il en va de même pour la chaîne hétérogène de contrat, translative de propriété, elle emporte une responsabilité contractuelle. En cas de chaîne hétérogène de contrats non translative de propriété, par exemple un sous contrat, il y aura une responsabilité contractuelle, ou délictuelle en fonction de la position dans la chaîne du contrat.

La cas particulier de la clause compromissoire ou clause d’arbitrage

L’ancien article 313. du code de procédure civile marocain dispose que la convention d’arbitrage doit toujours être établie par écrit, soit par acte authentique ou sous seing-privé, soit par procès-verbal dressé devant le tribunal arbitral choisi. La loi 95-17 n’a pas apporté de modification concernant cet aspect.

« La convention d’arbitrage est réputée établie par écrit lorsqu’elle est consignée dans un document signé par les parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télégrammes ou de tout autre moyen de télécommunication considéré́ comme convention et qui en atteste l’existence, ou encore dans l’échange de conclusions en demande ou de conclusions en défense, dans lesquelles l’existence d’une telle convention est alléguée par une partie et n’est pas contestée par l’autre.

Tout renvoi dans un contrat écrit aux dispositions d’un contrat-type, d’une convention internationale ou à tout autre document contenant une clause d’arbitrage est réputée être une convention d’arbitrage établie par écrit, lorsque le renvoi stipule clairement que ladite clause fait partie intégrante du contrat ».

En exemple, la clause d’arbitrage par référence peut également découlé de la pratique contractuelle, c’est le cas notamment dans le transport maritime. Le connaissement maritime renvoie à la chartre-partie, qui comprend une clause d’arbitrage. La première chambre civile de la Cour de Cassation française a décidé que dans les chaînes de contrats de transfert, la clause d’arbitrage était transmise avec l’action contractuelle.

La transmission résulte du principe suivant : « l’accessoire suit le principal ».

La clause d’arbitrage est transmise en tant qu’accessoire du droit d’action qui, lui-même, est en rapport d’accessoire et de principal avec le droit substantiel qu’il sert. Cela signifie que la clause d’arbitrage suit nécessairement le droit substantiel transmis. Cela résulte donc d’un double rapport d’accessoire à principal.

L’arrêt de la cour de Cassation française Peavey Company du 6 février 2001 

Dans une chaîne homogène de contrats translatifs, la clause d’arbitrage international sera transmise avec l’action contractuelle à moins qu’il ne soit prouvé que l’existence de cette clause n’était pas raisonnablement connue.

Dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause d’arbitrage international est transmise, « sans incidence du caractère homogène ou hétérogène de cette chaîne »[1].

La clause d’arbitrage est transmise automatiquement en tant qu’accessoire du droit d’action, qui est lui-même un accessoire du droit substantiel transmis, sans considération de l’homogénéité ou de l’hétérogénéité de la chaîne.

Les parties directement impliquées dans l’exécution du contrat ainsi que les conflits qui peuvent apparaître, sont soumis à la clause d’arbitrage international.

La cour d’appel de Paris a jugé de manière judicieuse que deux sociétés filiales d’une entreprise qui étaient impliquées dans l’élaboration du composant électronique faisant l’objet du litige étaient en droit de se prévaloir de la clause d’arbitrage transmise par la société mère dans la chaîne de contrats, mais également envers l’acquéreur et son assureur subrogé dans ses droits.

La transmission s’apprécie d’une manière organique, toute entité qui participe à l’opération peut se voir opposer une clause compromissoire ou au contraire s’en prévaloir.

On en vient à considérer que la CP est attachée au droit transmis plus qu’au contrat.

L’arrêt Peavey Company a abandonné la notion de réserve de l’ignorance légitime, ne laissant qu’une seule réserve, c’est-à-dire que le contrat n’ait pas été conclu intuit personae.

La clause d’arbitrage peut être transmise dans une série de contrats et étendue à un ensemble contractuel. Si l’interdépendance des contrats justifie la compétence d’une seule juridiction pour les juger, c’est celle du tribunal arbitral lorsque le “contrat pivot” comporte une clause de compétence.

La jurisprudence marocaine a retenu la même approche : la cour d’appel de Casablanca a estimé que l’extension de la clause compromissoire à une personne non signataire est justifiée par son degré d’implication dans les négociations, la conclusion et l’exécution du contrat, plutôt que par un refus exprès de se conformer au contrat[2].

Le principe de l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat qui la contient

La clause compromissoire est indépendante du contrat principal qui la contient et cette autonomie va fortement influencer son régime juridique. Ce n’est pas les droits créés par le contrat principal qui sont visés par la clause compromissoire, mais le droit d’action qui est autonome par rapport au droit substantiel.


[1] Civ. 1re, 27 mars 2007, no 04-20.842

[2] CA Casablanca 15 janvier 2015, n°222, 2669/8224/2013

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Samira Benboubker
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