La définition de l’obligation plurale
L’obligation plurale regroupe les obligations à objets multiples (obligations cumulatives, alternatives, facultatives) et celles à plusieurs sujets (obligations solidaires, à prestation indivisible).
Une obligation est dite cumulative lorsqu’elle consiste en plusieurs prestations qui doivent toutes être exécutées pour que le débiteur soit libéré de son obligation.
Selon la législation française, lorsque le débiteur est soumis à une obligation cumulative, il doit effectuer toutes les prestations additionnelles qui lui sont imposées et n’a pas le choix de les sélectionner.
Ainsi, l’obligation ne sera considérée comme remplie qu’une fois que toutes les prestations auront été effectuées. Cela s’oppose aux obligations alternatives, où le débiteur peut choisir d’exécuter une seule des prestations requises.
Approche comparée
Selon le droit français: L’article 1306 nouv. du code civil français dispose que « L’obligation est cumulative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que seule l’exécution de la totalité de celles-ci libère le débiteur ».
En droit marocain: il n’y a aucune disposition sur l’obligation cumulative, l’existence d’un article spécifique à l’obligation alternative, rend possible d’une interprétation a contrario.
A. Le fondement légal de l’obligation alternative
Article 141 du DOC: En cas d’obligation alternative, chacune des parties peut se réserver le choix dans un délai déterminé. L’obligation est nulle, lorsqu’elle n’exprime pas la partie à laquelle le choix a été réservé.
En cas d’obligation alternative, chaque partie (le créancier et le débiteur) peut choisir parmi plusieurs prestations à exécuter dans un délai déterminé. Si l’obligation ne précise pas clairement à quelle partie le choix a été réservé, elle sera considérée comme nulle.
Car dans ce cas de figure, cela signifie que les parties n’ont en réalité pas de devoir de s’exécuter, car l’obligation n’est pas clairement définie mais surtout repartie.
L’article 1307 nouv. Du code civil français prévoit que « L’obligation est alternative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que l’exécution de l’une d’elles libère le débiteur ».
Le débiteur peut choisir la prestation qu’il préfère fournir afin d’éteindre son obligation.
B. Le dépeçage de l’obligation alternative est possible en droit marocain ?
Article 146 du DOC: Le débiteur se libère en accomplissant l’une des prestations promises; mais il ne peut pas forcer le créancier à recevoir une partie de l’une et une partie de l’autre.
Lorsque l’obligation est alternative, le créancier, c’est-à-dire la partie qui a droit à une prestation, n’a le droit de recevoir qu’une prestation complète et entière. Il ne peut pas exiger que le débiteur (la partie qui doit exécuter la prestation) accomplisse une partie de l’une des prestations et une partie de l’autre. Il doit choisir l’une des prestations et exiger son accomplissement intégral.
Le créancier ne peut pas non plus imposer au débiteur de choisir une prestation spécifique, mais il peut exiger que l’une des prestations soit exécutée entièrement.
C. La force majeure dans le cas d’une obligation alternative
Il est également à noter que lorsque la prestation choisie est rendue impossible par un cas de force majeure, le débiteur en est libéré au regard de l’article 148 du DOC.
A contrario, si les conditions alternatives deviennent impossibles du fait du débiteur, à ce moment-là, il est tenu au paiement de l’une des conditions selon le bon vouloir du créancier.
Cette disposition s’inscrit dans une forme de réparation punitive, la condition a en quelque sorte péri du fait du débiteur, il se doit de la réparer mais en raison du caractère alternatif, le choix de l’obligation à indemniser est à la charge du créancier.
Article 148 du DOC : L’obligation alternative est éteinte, si les deux prestations font l’objet deviennent impossibles qui en en même temps, sans la faute du débiteur, et avant qu’il soit en demeure.
Article 149 du DOC : Si les deux prestations comprises dans l’obligation deviennent impossibles en même temps par la faute du débiteur, ou après sa mise en demeure, il doit payer la valeur de l’une ou de l’autre, au choix du créancier.
D. La flexibilité lors de l’exécution de l’une des obligations : indemnisation ou exécution de l’autre obligation ?
Article 150 du DOC: Lorsque le choix est déféré́ au créancier, et que l’une des prestations comprises dans l’obligation devient impossible par la faute du débiteur, ou après sa demeure, le créancier peut exiger la prestation qui est encore possible, ou l’indemnité́ résultant de l’impossibilité́ d’exécution de l’autre.
En cas d’impossibilité d’exécuter l’une des prestations contenues dans l’obligation par la faute du débiteur ; à ce moment-là, le débiteur peut être contraint par le créancier à indemniser l’obligation non exécutée ou exécuter l’autre obligation. Cette faculté n’est pas entre les mains du débiteur mais du créancier.
Le législateur a également offert au créancier la possibilité d’obtenir cette flexibilité après la mise en demeure du débiteur, mais que ce dernier a dénié s’exécuter. Ce qui permet d’écarter, la possibilité d’une violation de l’obligation, pour exécuter celle qui serait la plus avantageuse aux yeux du débiteur.
La théorie de la violation efficace du contrat (efficient brench) repose sur une analyse économique du contrat, qui légitime l’inexécution par le débiteur en raison d’un calcul économique rationnel[1]. Dans ce cas, de l’obligation alternative, le débiteur peut renoncer à l’exécution de l’une des obligations, au profit de l’autre, sans avertir le créancier. C’est possible, pourvu que l’inexécution ne repose pas sur une intention délibérée.
La doctrine française s’est intéressée à un cas particulier, qui peut conduire à une confusion entre la clause pénale et l’obligation alternative contenue dans un même contrat
Selon la jurisprudence de la cour de Cassation française, la clause pénale est « la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée »[1].
L’indemnité provenant de l’inexécution de l’autre obligation ne pourrait-elle pas s’apparenter à une forme de clause pénale?
Il est incontestable pour la doctrine que le paiement d’une clause pénale n’est pas l’exécution d’une obligation alternative[1]. De plus, l’inexécution qui aurait pour origine une intention dolosive, s’exposerait à une réparation intégrale du préjudice au lieu du paiement de la clause pénale.
Pour Marcel Planiol, le créancier n’est pas en droit d’obtenir le paiement de la clause pénale que si et seulement si l’inexécution de l’obligation provient du comportement fautif du débiteur[2].
Au regard du droit français: « L‘obligation est facultative lorsqu’elle a pour objet une certaine prestation mais que le débiteur a la faculté, pour se libérer, d’en fournir une autre. L’obligation facultative est éteinte si l’exécution de la prestation initialement convenue devient impossible pour cause de force majeure ». Article 1308 du code civil
Dans ce cas, il peut, à son choix, exécuter la prestation initialement convenue ou en préférer une autre, subsidiaire. La prestation subsidiaire est alors indéterminée puisqu’elle repose sur le propre chef du débiteur.
[1] Sébastien PIMONT, Répertoire de Droit civil, Clause pénale – Nature de la clause pénale, Dalloz, n°27
[2] Marcel Planiol, Traité élémentaire de droit civil, op.cit, . II, 4e éd., 1907, LGDJ, no 259
[1] Civ. 1re, 10 oct. 1995, no 93-16.869
[1] Rudden Bernard, Juilhard Philippe. La théorie de la violation efficace. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°4, Octobre-décembre 1986. pp. 1015-1041., p.1017