Plusieurs créanciers ou plusieurs débiteurs peuvent être redevables ou tenus par une même obligation.
Article 153 du DOC : La solidarité entre créanciers ne se présume pas; elle doit résulter de l’acte constitutif ou de la loi, ou être la conséquence nécessaire de la nature de l’affaire. Cependant, lorsque plusieurs personnes stipulent une seule prestation conjointement et par le même acte, elles sont censées avoir stipulé solidairement, si le contraire n’est exprimé ou ne résulte de la nature de l’affaire.
La solidarité entre créanciers n’est pas systématique, elle doit être prévue expressément dans un acte constitutif ou la loi, ou découler nécessairement de la nature de l’affaire.
Cependant, lorsque plusieurs personnes sont liées par une seule obligation dans un acte commun, on considère qu’elles ont accepté de l’assumer de manière solidaire, sauf s’il est indiqué le contraire ou si cela ne s’impose pas par la nature de l’affaire. Il existe dès lors, une présomption de solidarité en cas d’affaire commune.
Le cas de la solidarité et de la loi applicable : la solidarité des parties à l’arbitrage vis-à-vis des honoraires des arbitres.
Dans le cadre de l’arbitrage international, les parties s’engagent généralement à payer les honoraires des arbitres de manière équitable.
Se pose la question, du non-paiement par l’une des parties à l’arbitrage, l’autre partie serait-elle tenue de payer au nom d’un lien de solidarité ?
Dans un arrêt de la cour de Cassation française estime qu’après « avoir relevé le caractère international de l’arbitrage, la cour d’appel, qui n’avait pas à se référer à une loi étatique, en a exactement déduit, par une décision motivée, que la nature solidaire de l’obligation des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres résultait du contrat d’arbitre, de sorte que cette dernière, non discutée en son montant, n’était pas sérieusement contestable »[1].
La solidarité s’impose contractuellement, mais également en raison de la nature de l’affaire, comme le cas cité précédemment. D’où la réflexion suivante : la solidarité est une obligation ou une technique ?
La solidarité pour la doctrine est une technique dans la mesure où c’est un moyen qui permet « d’éviter la division des dettes et des créances ». Il convient de prendre l’obligation solidaire par sa finalité pour comprendre sa portée.
A. La solidarité active
Article 154 du DOC: L’obligation est solidaire entre les créanciers, lorsque chacun d’eux a le droit de toucher le total de la créance, et le débiteur n’est tenu de payer qu’une seule fois à l’un d’eux. L’obligation peut être solidaire entre les créanciers, encore que la créance de l’un soit différente de celle de l’autre, en ce qu’elle est conditionnelle ou à terme, tandis que la créance de l’autre est pure et simple.
En effet, chaque créancier peut demander au débiteur le paiement de l’intégralité de la dette, et ce dernier se libère totalement entre les mains de chacun d’entre eux.
Cette technique produit également des effets procéduraux. Ainsi, l’acte interruptif ou suspensif de prescription accomplie par un des créanciers profite aux autres.
En effet, la solidarité entre créancier n’est pas sans risque, car un créancier pourrait se faire payer et ignorer les autres créanciers, la mauvaise foi est d’autant plus facilitée par ce mécanisme.
La cour de Cassation française a fixé ce postulat dès 1914, la solidarité entre créanciers n’est pas présumée en matière commerciale[1]. Ce principe a été réaffirmé dans plusieurs autres décisions.[2]
B. La Solidarité passive
Article 166 du DOC : Il y a solidarité entre les débiteurs, lorsque chacun d’eux est personnellement tenu de la totalité de la dette, et le créancier peut contraindre chacun des débiteurs à l’accomplir en totalité ou en partie, mais n’a droit à cet accomplissement qu’une seule fois.
Article 168 du DOC: Chacun des débiteurs solidaires peut opposer les exceptions qui lui sont personnelles et celles qui sont communes à tous les codébiteurs. Il ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles à un ou plusieurs de ses codébiteurs.
Dans la solidarité passive, les coobligés sont liés à la dette de manière personnelle et le créancier peut exiger le paiement intégral de la dette à un seul d’entre eux. Cela est rendu possible par la combinaison d’une unité de la créance et d’une pluralité des liens d’obligation.
La solidarité passive implique que chaque coobligé est lié personnellement au créancier et ces liens peuvent avoir des caractéristiques spécifiques.
Chacun des coobligés est tenu solidairement et indivisiblement de rembourser l’intégralité de la dette, c’est-à-dire que le créancier peut exercer son action contre l’un quelconque des coobligés, sans devoir réclamer préalablement à chacun d’eux une partie de la dette. Cette solidarité repose sur une unité de la créance et une pluralité des liens d’obligation.
La solidarité passive est un mécanisme juridique qui équivaut à une sûreté. Les coobligés sont chacun responsables pour l’entièreté de la dette envers le créancier et ils se garantissent mutuellement. « Tous pour un ; un pour tout » : c’est à peu près la devise qui rend compte de leur situation[1].
Les rapports entre coobligés dans la solidarité passive
La solidarité passive implique que les coobligés sont responsables conjointement et indivisiblement de la dette envers le créancier. Si l’un des coobligés paie intégralement ou plus de sa part de la dette, il peut réclamer une contribution des autres coobligés pour le remboursement de cette somme supplémentaire.
Article 178 du DOC: Les rapports entre codébiteurs solidaires sont régis par les règles du mandat et du cautionnement.
Article 1145 du DOC: S’il y a plusieurs cautions solidaires, celle qui a payé le tout, à l’échéance, a également recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion, ainsi que pour la part des répondants solidaires insolvables.
Selon l’article 1145 du DOC, dans le cas où il y a plusieurs cautions solidaires, celle qui a effectué le paiement intégral de la dette à l’échéance peut réclamer une contribution des autres cautions, proportionnelle à leur part de responsabilité ainsi que pour la part des cautions qui sont insolvables.
C. Le particularisme de l’obligation in solidium
L’obligation in solidum est une obligation qui lie plusieurs personnes, chacune étant tenue pour l’intégralité de la dette envers le créancier, sans qu’il existe de lien de représentation entre elles. Elle est fréquemment utilisée dans des domaines variés tels les contrats d’assurance, mais principalement en droit de la responsabilité. Lorsque plusieurs personnes causent un dommage unique à une victime, on parle alors de co-auteurs.
La jurisprudence a posé le principe suivant : « quand il y a participation de plusieurs à un fait dommageable, la réparation doit en être ordonnée pour le tout contre chacun, s’il est impossible de déterminer la proportion dans laquelle chaque faute a concouru à produire le dommage subi par la partie lésée »[1].
Article 181 du DOC: L’obligation est indivisible :
1. Par la nature de la prestation qui en fait l’objet, lorsqu’elle consiste en une chose ou un fait qui n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle;
2. En vertu du titre qui constitue l’obligation ou de la loi, lorsqu’il résulte de ce titre ou de la loi que l’exécution ne peut en être partielle.
L’article 181 du DOC traite du concept d’indivisibilité d’une obligation. Il indique que cette indivisibilité peut être due à deux raisons:
La première raison est liée à la nature de la prestation qui est l’objet de l’obligation. Si cette prestation consiste en une chose ou un fait qui ne peut être divisé, soit matériellement, soit intellectuellement, alors l’obligation est indivisible.
La deuxième raison est liée au titre ou à la loi qui constitue l’obligation. Si le titre ou la loi prévoit que l’exécution de l’obligation ne peut être partielle, alors l’obligation est indivisible.
En résumé, l’obligation est indivisible lorsque la prestation qui en est l’objet ne peut être divisée ou lorsque la loi ou le titre qui la crée prévoit qu’elle ne peut être exécutée de manière partielle.
En droit français, le législateur a opté pour la simplicité : l’obligation peut être indivisible « par nature ou par contrat »[1]. Cette répartition est beaucoup plus optimale, car l’obligation indivisible par nature est apparente. Par exemple, la livraison d’un animal vivant s’inscrit dans une obligation indivisible par nature, on ne peut dépecer un animal afin de rendre l’obligation divisible.
L’indivisibilité peut résulter du titre, c’est-à-dire que les parties ont voulu rendre l’obligation indivisible, qui de par sa nature ne l’était pas.
L’obligation indivisible doit être exécutée dans son intégralité , en réalité c’est le cas de la plupart d’entre elles.
A. Les caractéristiques de l’obligation indivisible selon la doctrine
La doctrine a alors proposé plusieurs classifications de l’indivisibilité naturelle, en opposant l’indivisibilité « absolue » et « relative »[1].
Le jurisclasseur a opté pour l’approche suivante: l’indivisibilité « matérielle », « rationnelle » et « intellectuelle » (J.-Cl. Civ., Synthèse-Modalités des obligations. – J.-Cl. Civ., Contrats et obligations, Indivisibilité, art. 1217 à 1225), ou une approche simpliste : l’indivisibilité «matérielle » et « intellectuelle » (J.-Cl. Civ., Indivisibilité). Or dans le DOC on a une distinction simpliste entre « obligation matérielle et immatérielle ».
1. L’indivisibilité matérielle
L’indivisibilité matérielle signifie que l’objet de l’obligation ne peut pas être divisé physiquement. Il n’est donc pas possible d’exécuter la prestation partiellement.
C’est le cas des obligations de faire, par exemple la livraison d’un objet unique, comme un tableau, qui ne peut pas être divisé. Cependant, il est important de soulever que les obligations de faire relatives à des objets de genre ne sont pas nécessairement indivisibles, car ils peuvent être fractionnés.
Par exemple: une somme d’argent doit être considérée, par nature, comme divisible[1].
2. L’indivisibilité intellectuelle
Il existe également une notion d’indivisibilité juridique ou dite « intellectuelle ».
Pour déterminer si une obligation est indivisible ou pas, il est nécessaire de savoir s’il s’agit d’une obligation de faire ou d’une obligation de donner.
Dans le cas d’une obligation de faire, il faut vérifier si l’objet de la prestation peut être divisé juridiquement.
Pour une obligation de ne pas faire, il y a généralement une indivisibilité manifeste. Ainsi une obligation de confidentialité qui consiste à ne pas divulguer des informations, ne peut être fractionnée. D’où ce postulat, d’une indivisibilité par nature d’une obligation de ne pas faire.
Dans le cas d’une obligation de donner, il est souvent possible de diviser la prestation, par exemple dans un contrat de vente où chaque propriétaire peut transférer sa part de propriété, ainsi chaque acheteur reçoit une partie du droit de propriété correspondant à la fraction du prix payé. L’obligation est parfaitement segmentée en fonction de la quote-part de chacun.
B. Le régime de l’obligation indivisible
Article 182 du DOC: Lorsque plusieurs personnes doivent une obligation indivisible, chacune d’elles est tenue pour le total de la dette. Il en est de même de la succession de celui qui a contracté une pareille obligation.
Il y a l’indivisibilité active (en présence d’une pluralité de créanciers) et de l’indivisibilité passive (en présence d’une pluralité de débiteurs).
Lorsque plusieurs personnes sont liées par une obligation indivisible, chacune d’entre elles est responsable de l’intégralité de la dette. Cela signifie qu’elles sont tenues de remplir la totalité de l’obligation, et pas seulement leurs parties respectives .
Il en va de même pour la succession lorsque le De Cujus a contracté une obligation indivisible, les héritiers sont également tenus pour le montant total de la dette.
Inversement, un créancier peut réclamer la totalité de la créance à un débiteur en présence d’autres co-créanciers. ( cf la partie sur la solidarité active).
Article 186 du DOC: L’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée, entre le créancier et le débiteur, comme si elle était indivisible. On n’a égard à la divisibilité que par rapport à plusieurs coobligés, qui ne peuvent demander une dette divisible et ne sont tenus de la payer que pour leur part. La même règle s’applique aux héritiers. Ceux-ci ne peuvent demander et ne sont tenus de payer que leur part de la dette héréditaire.
Il est précisé par le législateur que lorsqu’une obligation est susceptible de division, elle doit être exécutée de manière indivisible entre le créancier et le débiteur. Cette explication est quelque peu antinomique, car on demande qu’une obligation divisible soit traitée comme une obligation indivisible entre le créancier et le débiteur.
Cette contrariété est très logique, car le débiteur doit exécuter la totalité de l’obligation.
Il est toutefois précisé que cette règle de la divisibilité ne s’applique qu’en présence de coobligés, qui ne peuvent réclamer le paiement qu’à proportion de leur quote-part, et qui ne sont tenus de payer qu’à proportion de leur quote-part.
Il en va de même pour les héritiers, qui ne peuvent réclamer le paiement qu’à proportion de leur quote-part de la dette héréditaire, et qui ne sont tenus de payer qu’à proportion de leur quote-part.
Article 187 du DOC: La divisibilité entre les codébiteurs d’une dette divisible n’a pas lieu :
1. Lorsque la dette a pour objet la délivrance d’une chose déterminée par son individualité, qui se trouve entre les mains de l’un des débiteurs;
2. Lorsque l’un des débiteurs est chargé seul, par le titre constitutif ou par un titre postérieur, de l’exécution de l’obligation;
Dans les deux cas, le débiteur qui possède la chose déterminée ou qui est chargé de l’exécution peut être poursuivi pour le tout, sauf son recours contre ses codébiteurs, dans le cas où le recours peut avoir lieu.
Ce paragraphe traite d’un aspect particulier de la divisibilité des dettes : le cas des codébiteurs d’une dette divisible. Il indique que la divisibilité entre les codébiteurs n’a pas lieu dans deux situations :
Il est important de comprendre la portée de ces situations :
1er situation : Lorsque la dette implique la remise d’un objet spécifique qui se trouve entre les mains d’un des débiteurs. A ce moment-là, aucune possibilité de partage, puisque le bien est détenu par un débiteur.
2ème situation : Lorsque l’un des débiteurs est seul responsable, selon les termes de l’accord ou d’un accord ultérieur, de l’exécution de l’obligation.
C’est le cas par exemple dans la co-assurance : l’apériteur ( assurance qui a collecté les primes et qui va verser l’indemnité à l’assuré en cas de réalisation du sinistre). En effet, l’apériteur est le seul responsable en raison du contrat.
Dans les deux cas, le débiteur qui possède l’objet spécifique ou qui est responsable de l’exécution de l’obligation peut être poursuivi pour la totalité de la dette, sauf possibilité de recours contre ses codébiteurs, lorsque cela est possible. C’est le recours subrogatoire ( cf la partie du la subrogation).
[1] Civ. 1re, 11 janv. 1984, no 82-16.198
[1] Ferdinand Derrida, Répertoire de droit civil Dalloz, 1973, Vo Indivisibilité
[1] art. 1320, al. 1er
[1] Cour de Cassation, Chambre civile, du 11 juillet 1892, Publié au bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006952535
[1] Nicolas Dissaux L’abus de la solidarité ,AJ contrats 2017. 259
[1] Civ. 15 juin 1914, DP 1916.1.88
[2] Philippe Delebecque, La solidarité active ne se présume pas , D. 1993. 216., Com. 26 sept. 2018, n° 16-28.133, F-P+B, D. 2018. 1909, Bernard Saintourens, La solidarité active en matière commerciale ne se présume pas, RTD com. 2018. 907.
[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1 février 2017, 15-25.687, Publié au bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033996951/