La distinction entre la compensation et la confusion
Article 357 du DOC : La compensation s’opère, lorsque les parties sont réciproquement et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre. Elle n’a pas lieu entre musulmans, dans le cas où elle constituerait une violation de la loi religieuse.
Article 369 du DOC: Lorsque les qualités de créancier et de débiteur d’une même obligation se réunissent dans la même personne, il se produit une confusion de droits qui fait cesser le rapport de créancier et débiteur.
La confusion peut être totale ou partielle, selon qu’elle a lieu pour toute l’obligation ou pour une partie seulement.
La compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, par l’une des parties, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
Les conditions liées aux obligations réciproques sont prévues aux articles suivants :
Article 361 du DOC : La compensation n’a lieu qu’entre dettes de même espèce et, par exemple, entre choses mobilières de même espèce et qualité, ou entre du numéraire et des denrées.
Article 362 du DOC :
Pour opérer la compensation, il faut que les deux dettes soient liquides et exigibles, mais il n’est pas nécessaire qu’elles soient payables au même lieu. La déchéance du terme produite par l’insolvabilité du débiteur et par l’ouverture de la succession a pour effet de rendre la dette compensable.
La compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. liquides et exigibles :
Une dette certaine: l’existence des dettes et de leurs réciprocités entre les parties est une condition préalable. Une dette prescrite par exemple conduit à sa disparition, une dette contestée impacte sa certitude.
Une dette liquide est une dette dont le montant est clairement déterminé et qui est facilement mesurable. Autrement dit, il doit être facile de calculer le montant exact de la dette en question.
Une dette exigible est une dette pour laquelle la date d’échéance est arrivée ou qui peut être exigée immédiatement en vertu des termes du contrat ou de la loi. Le créancier peut réclamer le remboursement de la dette à tout moment, car la dette est considérée comme due et payable.
Une dette fongible: il n’existe pas de définition approfondie de la fongibilité des obligations dans le Doc sauf dans l’article 364 du DOC.
Par contre, le droit français fournit un effort pour expliciter la fongibilité (C. civ., art. 1347-1 nouv.). Une définition de la fongibilité est donnée à l’alinéa 2 de cet article qui énonce que « sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre » .
On retrouve cette définition dans l’article 361 du DOC sans la dénomination de fongibilité.
La compensation ne peut avoir lieu qu’entre dettes de même espèce. Cela signifie que les dettes à compenser doivent être de même nature.
La compensation peut avoir lieu entre du numéraire (de l’argent liquide) et des denrées (des produits alimentaires ou des matières premières).
Cela signifie qu’une personne qui doit de l’argent à une autre personne peut se voir offrir la possibilité de payer sa dette en nature, en fournissant des denrées (par exemple, des sacs de farine) dont la valeur équivaut au montant de la dette.
Article 364 du DOC
La compensation peut avoir lieu entre des dettes qui ont des causes ou des quotités différentes. Lorsque les deux dettes ne sont pas de même somme, la compensation s’effectue jusqu’à concurrence de la dette la moins forte.
Les obligations ne pouvant faire l’objet d’une compensation
La compensation ne peut avoir lieu face à une dette qui est frappée de prescription. Il en va de même pour les dettes d’aliments ou avec des créances insaisissables. Le législateur a introduit des particularités.
Article 363 du DOC:
Une dette prescrite ne peut être opposée en compensation.
Article 365 du DOC:
La compensation n’a pas lieu :
Lorsque l’une des dettes a pour cause des aliments ou autres créances non saisissables;
Contre la demande en restitution d’une chose dont le propriétaire a été injustement dépouillé, soit par violence, soit par fraude, ou d’une créance ayant pour cause un autre délit ou quasi-délit;
Contre la demande en restitution d’un dépôt, d’un prêt à usage ou d’un précaire, ou contre la demande en dommages-intérêts résultant de ces contrats, au cas de perte de la chose due;
Lorsque le débiteur a renoncé dès l’origine à la compensation, ou lorsque l’acte constitutif de l’obligation l’a prohibée;
Contre les créances de l’État et des communes pour contributions ou taxes, à moins que la créance de celui qui oppose la compensation ne soit due par la même caisse qui réclame la contribution ou la taxe.
Explications:
Article 367 du DOC
L’effet de la compensation opposée est d’opérer l’extinction des deux dettes, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives, à partir du moment où les deux dettes se sont trouvées exister à la fois, dans les conditions déterminées par la loi pour donner lieu à la compensation.
Article 368 du DOC
Lorsqu’il y a plusieurs dettes compensables dues par la même personne, on suit, pour la compensation, les règles établies pour l’importation.( C’est en réalité le mécanisme des imputations).
Par contre, il y a une inopposabilité de la compensation suite à une cession de créance.
Article 359 du DOC :
Le débiteur, qui a accepté sans réserve la cession faite par le créancier à un tiers, ne peut plus opposer au cessionnaire la compensation qu’il eût pu, avant l’acceptation, opposer au créancier primitif; il peut seulement exercer sa créance contre le cédant.
En effet, le débiteur qui a pris acte sans réserve de la cession de la créance ne peut opposer au cessionnaire la compensation qu’il eût pu opposer au cédant. La compensation étant une exception, dès lors, il y a inopposabilité de la compensation par le débiteur cédé au cessionnaire.
Explications: Le débiteur cédé ne peut opposer au créancier cessionnaire si ce dernier a accepté la cession. Cette formulation est assez perturbante, dans la mesure où le débiteur n’a pas à donner son consentement à la cession de créancier.
Quid du sort de la caution ?
Le DOC n’évoque pas le sort de la caution, si ce dernier est en mesure d’opposer la compensation entre le débiteur et le créancier.
Par contre l’article 1347-6 nouveau alinéa 1er, tel que modifié par la loi de ratification du 20 avril 2018, énonce que : « La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal. Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »
Mais on peut présumer que cette solution est valable en droit marocain au regard de cette disposition: l’article 366 du DOC explique que la compensation n’a pas lieu au préjudice des droits régulièrement acquis à des tiers. Une interprétation a contrario permettrait d’envisager une application à la caution, qui est un tiers, et que la compensation doit s’opérer dans son intérêt.
La compensation et le juge : il n’y a pas un droit d’initiative du juge.
Article 358 du DOC : Le juge ne doit tenir compte de la compensation que si elle est expressément opposée par celui qui y a droit.
La compensation judiciaire ne s’inscrit pas dans un pouvoir du juge d’imposer la compensation; il faut qu’une partie manifeste son intérêt à la compensation.
Le droit marocain est moins expressif sur ce point; l’article 1348 nouveau du code civil français prévoit que « La compensation peut être prononcée en justice, même si l’une des obligations, quoique certaine, n’est pas encore liquide ou exigible. »
La compensation conventionnelle
Elle répond au principe du consensualisme en droit marocain, il n’y a aucune disposition particulière à la compensation.
Par contre, l’article 1348-2 du code civil nouveau français dispose que : « Les parties peuvent librement convenir d’éteindre toutes obligations réciproques, présentes ou futures, par une compensation ; celle-ci prend effet à la date de leur accord ou, s’il s’agit d’obligations futures, à celle de leur coexistence. »
La confusion correspond à la disparition de l’obligation lorsqu’une personne détient simultanément les deux rôles de créancier et de débiteur pour une même obligation.
Article 369 du DOC: Lorsque les qualités de créancier et de débiteur d’une même obligation se réunissent dans la même personne, il se produit une confusion de droits qui fait cesser le rapport de créancier et débiteur.
La confusion peut être totale ou partielle, selon qu’elle a lieu pour toute l’obligation ou pour une partie seulement.
Les cas ouvrant confusion:
La nullité de la confusion et ses effets est prévue à l’article 370 du DOC, « lorsque la cause qui a produit la confusion vient à disparaître, la créance revit avec ses accessoires, à l’égard de toutes personnes, et la confusion est réputée n’avoir jamais eu lieu ».